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main-d’œuvre ; elle s’emploie brute et ne se dresse pas ; le mortier s’agrafe de telle sorte à ses rugosités que les murs ainsi bâtis sont de véritables monolithes. La meulière était connue, bien que très rare, il y a vingt-cinq ans, lorsque le hasard fit découvrir, à l’occasion de terrassemens exécutés en Seine-et-Marne pour les chemins de fer, des gisemens — les spécialistes disent des « rognons » — de cette matière imputrescible, légère et solide à la fois, poreuse et n’absorbant aucune humidité, bien que son aspect soit celui d’une éponge pétrifiée. M. Berthelot y a découvert des traces d’or, mais le bloc tout entier vaut un métal précieux, aujourd’hui où les carrières de moellons de notre banlieue sont à peu près épuisées.

Le terrain est si cher dans la capitale, qu’un bon architecte s’efforce de n’en perdre nulle parcelle : les ordonnances de police l’obligent à donner une largeur de 50 centimètres aux murs mitoyens ; les murs de refend, pour lesquels il est libre d’agir à sa guise, se contenteront d’une épaisseur de 38 et même de 25 centimètres, suivant qu’ils soutiennent les cheminées ou portent seulement les solives des planchers. La meulière est ici remplacée par la brique dont la fabrication progresse depuis vingt ans. Si la qualité supérieure continue, suivant un usage plus que séculaire, d’être fournie par la Bourgogne, la brique commune, dite de Vaugirard, s’est sensiblement améliorée ; cuite au four circulaire, elle se compose, au lieu de terre franche, d’argile, de sable et de mâchefer.

Les mortiers actuels ne ressemblent pas non plus à leurs prédécesseurs ; on a inventé des combinaisons nouvelles ou retrouvé des secrets perdus. Or, dans un mètre de maçonnerie il entre 30 et jusque 40 pour cent de mortier, suivant que le mur est en moellon ou on meulière ; et cette pâte, qui collera les pierres ensemble, doit être d’autant plus forte que la construction est plus mince. Les assises d’un donjon féodal étaient liées le plus souvent avec un mélange très ordinaire de chaux et de tuiles pilées ; la massivité, qui les protégeait de l’eau, faisait toute leur force. De même le mortier des arènes de la rue Monge, récemment mises à jour, fut reconnu à l’analyse de nature assez médiocre, et l’on savait depuis longtemps que le « ciment romain » n’était qu’un mot. Il existe cependant des voûtes vieilles de six à sept siècles en simple béton n’ayant que 16 centimètres d’épaisseur, qui ont défié l’effort des ans, là où le hasard sans doute avait mis à portée du