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d’autres rives succède le reflux qui, par une sorte de force naturelle, les ramène à nous, accrus notablement si le choix des entreprises auxquelles nous avons participé ou des États à qui nous avons fait crédit a été judicieux, diminués dans le cas contraire, parfois réduits à peu de chose ou à rien si nous nous sommes trompés ou si nous l’avons été.

La loi économique qui détermine ces mouvemens est bien connue. Elle est analogue au principe de physique qu’on démontre par l’expérience des vases communicans, et en vertu duquel les liquides tendent, lorsque aucun obstacle ne s’oppose à leur réunion, à s’équilibrer, à reprendre et à garder le même niveau. Or les liquides qui forment le sang même de l’organisation économique du monde sont les capitaux ; ils sont le véhicule au moyen duquel les divers pays mettent en valeur leurs richesses propres et communiquent les uns avec les autres ; ils tendent, eux aussi, à se répartir également sur la surface du globe, à condition que des barrières naturelles ou artificielles ne contrarient pas leur force d’expansion. Les premières ont, pendant de longs siècles, arrêté presque complètement la marche normale du phénomène. Alors que les continens étaient inconnus les uns aux autres, il ne pouvait être question d’exportation des capitaux de l’ancien monde vers le nouveau. L’Afrique, à l’exception de son littoral septentrional, était inexplorée ; autour même de ce bassin méditerranéen, qui fut pendant de longs siècles le centre de l’activité humaine, tant de nations diverses étaient en lutte, tant de difficultés matérielles et politiques entravaient les communications, tant d’idées réfractaires au libre échange des marchandises aussi bien que des idées avaient cours, que les effets d’une loi comme celle que nous avons énoncée seraient malaisés à y discerner. Et cependant ce serait une erreur de s’imaginer que, même dans l’antiquité et au moyen âge, elle ne se fît pas sentir. L’activité commerciale des Phéniciens, des Grecs, des Carthaginois fut certainement prodigieuse, et eut pour conséquence des migrations de capitaux de ces peuples vers les contrées où ils fondaient des colonies et avec lesquelles ils établissaient des relations. L’empire romain ne fut pas seulement une œuvre militaire. Cicéron nous dit quelque part que pas un écu ne s’échangeait en Gaule sans qu’il en fût passé écriture au Forum. Tout en faisant la part de l’exagération oratoire, nous ne pouvons pas ne pas voir dans cette simple phrase une vive lueur