les pousse dans cette voie. Le voudrait-on d’ailleurs qu’on n’y réussirait pas. Si ingénieux que soit le fisc, il n’aurait pas le dessus dans ce cas. Il réussirait, tout au plus, à transformer une industrie libre et prospère, opérant au grand jour, entourée de garanties, en une contrebande occulte avec tous ses inconvéniens matériels et moraux. Ne tuons pas la poule aux œufs d’or. Ne cherchons pas, sous prétexte d’égalité devant l’impôt, à frapper les valeurs étrangères de taxes prohibitives, en feignant d’oublier qu’elles les acquittent déjà, pour la plupart, dans leur pays d’origine.
Nous accusons volontiers les Anglais d’être la nation la plus égoïste du globe. Est-ce donc par philanthropie que la Bourse de Londres a ouvert la porte toute grande aux valeurs du monde entier ? Nous voyons figurer sur sa cote les fonds des États les plus divers, depuis les grands empires européens et asiatiques, jusqu’aux titres des minuscules républiques de l’Amérique centrale. Si Rome ne permettait pas qu’un écu s’échangeât en Gaule sans en tenir écriture au Forum, Albion entend que les affaires de l’univers se centralisent à Londres. De même que ses navires transportent les marchandises des deux hémisphères, de même que ses courtiers attirent à eux les matières premières des zones les plus variées, laine, coton, métaux, pour les revendre ensuite aux consommateurs européens, asiatiques, africains, américains et australiens, de même elle a prêté ses capitaux aux deux mondes. Elle aime à les voir tributaires de sa richesse ; elle a jugé que, créancière d’un pays, elle lui dicterait plus aisément ses lois, et l’ouvrirait sans peine à son industrie et à son commerce. Un simple coup d’œil jeté sur la cote de Londres, volumineux document de huit pages, où s’étalent plus de 2 500 valeurs différentes, nous édifie à cet égard. Sans même parler des fonds coloniaux, de toutes les entreprises que les Anglais commanditent dans leur immense domaine, les valeurs des autres pays y occupent une place considérable. Les titres des chemins de fer américains et étrangers en remplissent plus du quart. Dans chacun des autres chapitres, tels que brasseries, distilleries, sociétés commerciales, financières, industrielles et foncières, gaz, électricité, charbonnages, usines, entreprises d’eau, de télégraphes, de téléphones, de tramways, d’omnibus, la part des entreprises étrangères est énorme. Le pays le plus fort du monde, au point de vue financier n’a donc pas craint d’en devenir aussi le