son histoire et par ce qui la compose, parce que c’est son histoire et ce qui la compose qui font son esprit général. Je ne songe pas à dire qu’elle renoncerait plutôt à ses dogmes qu’à son esprit général; mais elle laisserait plutôt, sinon attaquer, du moins discuter, pourvu que ce fût discrètement et indirectement, quelqu’un de ses dogmes que son esprit. Dans le premier cas elle pourrait à demi fermer les yeux ; on la force dans le second à les ouvrir. L’Église catholique, composée d’esprits autoritaires, devînt-elle décidément minorité partout, n’en continuera pas moins à soutenir partout les autorités établies et à recommander le respect à leur égard, sans s’embarrasser beaucoup de savoir si les autorités qu’elle soutient, ici, sont monarchiques et là, sont républicaines. Quelque chose est plus haut pour elle : la stabilité des institutions temporelles, concordant, plus ou moins, avec la stabilité de l’institution spirituelle ; mais bonne en elle-même, et surtout répondant aux désirs, au tour d’esprit et de caractère des fidèles qui sont la force de l’Église.
Une objection du Père Ventura à Lamennais est très frappante : Vous êtes démocrate, lui dit-il ; mais « la souveraineté du peuple en politique mène à la souveraineté des fidèles en religion ! » Logiquement, elle n’y mène pas du tout : on peut être fidèle catholique et ne vouloir comme gouvernement « temporel » qu’un pouvoir à la nomination duquel on participe. Mais comme, au fond, c’est vrai cependant! Comme seront tout naturellement, sauf exceptions, nombreuses si l’on veut, indépendans en religion, ceux qui n’admettront en politique que l’autorité qu’ils auront consentie! Comme ils seront cela, de la même tendance générale d’esprit et de caractère qu’ils sont ceci ! Voilà ce que le gouvernement de l’Eglise catholique avait parfaitement compris.
Pourquoi Lamennais ne l’avait-il pas compris lui-même? Parce qu’il était poète, orateur, assez bon logicien et même assez )on philosophe, mais très peu historien et très peu psychologue. Il n’avait ni assez étudié, ni assez médité l’histoire de l’Église, et il n’avait pas vu à quelle tradition historique elle était liée, qui lui rendait, sinon impossible, du moins extrêmement difficile, le revirement, l’évolution et presque la révolution qu’il lui conseillait. Il ne connaissait pas assez, d’autre part, le tempérament d’un catholique. Il ne connaissait que le sien, qui n’était pas le tempérament ordinaire d’un catholique, et qui, à bien des égards, était le contraire, et c’est ainsi que, de la meilleure foi du monde, il proposa