Un autre propriétaire noble de la Marche proposait plus simplement de dépouiller les petits tenanciers de leurs terres et de ne leur laisser que leur maison et leur jardin. La même proposition était faite en Silésie.
L’effet de ces interventions actives et pénétrantes ne tarda pas à se faire sentir. L’édit d’ailleurs avait besoin sur plus d’un point d’être expliqué et éclairci. On s’occupa, dès les premiers mois, de le compléter parce que l’on appelait, d’un euphémisme, une déclaration, et sous ce voile, s’agitèrent des projets de réaction qui justifiaient les inquiétudes manifestées sur plus d’un point par la population rurale,
Ce travail n’aboutit qu’après les crises européennes de 1815; mais il commença dès le lendemain de la promulgation de l’édit, et, s’il n’en suspendit pas complètement, il en paralysa du moins dans une certaine mesure l’exécution.
Dès les premiers mois de 1812 furent préparés deux projets nouveaux.
Le premier, dressé sous l’influence de l’oligarchie foncière lui donnait de larges satisfactions. Il précisait les catégories de tenanciers auxquelles pourrait s’appliquer l’édit de septembre. Il limitait l’attribution de la propriété à une catégorie assez étroite, aux paysans proprement dits, c’est-à-dire aux gros tenanciers exploitant, avec un personnel et des attelages à eux, des tenures variant de quinze à trente hectares. C’était un procédé sûr et habile pour retirer à l’édit, en le laissant subsister dans sa teneur, sa généralité et, par là même, sa portée sociale.
Les partisans convaincus de la réforme agraire, le plus ardent d’entre eux, Scharnweber, essayèrent d’obtenir quelque concession, en échange d’une atteinte aussi essentielle portée à leur œuvre. Scharnweber prépara un second projet qui, en acceptant les restrictions proposées, assurait l’application immédiate des nouvelles mesures, sans faire dépendre la concession de la propriété, comme l’édit de septembre, d’une entente préalable ou d’un délai mal déterminé.
Les deux projets formaient un ensemble de mesures dont la portée pouvait se résumer ainsi : restreindre étroitement la réforme agraire en excluant toute la masse des petits cultivateurs; mais, en revanche, assurer du moins aux gros tenanciers, immédiatement et sans autre délai, le bénéfice de l’édit et la propriété du sol.