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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/654

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prussien, comme dans cette adresse où les électeurs au premier degré des villes de la Haute-Silésie célébraient avec enthousiasme la grande réforme politique que le roi venait d’accomplir.

Dohna, l’ancien ministre, qui n’était point un exalté, appréciait plus justement les faits lorsqu’il traitait de calamité la réunion d’une assemblée minuscule de trente-neuf personnes chargée de représenter la nation prussienne, et qui, disait-il, sans publicité des séances, sans liberté de parole ni de presse, n’était plus qu’une parodie du régime représentatif.

Cette assemblée, qui se réunit pour la première fois le 10 avril 1812, tient cependant sa place, une place qui n’est point négligeable, dans l’histoire de la Prusse. Les historiens allemands ne lui ont pas fait justice ; et ce sont seulement des recherches récentes qui ont permis de retrouver chez le descendant de l’un des membres de l’assemblée, d’un fonctionnaire, représentant du tiers-état, qui avait pris son mandat au sérieux, et s’en était acquitté en conscience, les procès-verbaux de la plupart des séances[1].

Ces procès-verbaux et l’histoire de la représentation nationale de 1812 n’ouvrent pas seulement un jour sur les conceptions politiques de Hardenberg et son esprit en somme peu libéral. Ils puisent leur intérêt dans l’image qu’ils offrent de l’état social de la Prusse à cette date. La masse urbaine et rurale n’est en réalité point représentée. Un seul élément vivace apparaît: l’élément aristocratique.

Contraste bien singulier! Ce sont les modèles de la France révolutionnaire, c’est l’idée démocratique venue de France, qui ont fait naître les projets de régime représentatif : c’est le besoin de faire une place à ces énergies populaires répandues sur l’Europe bouleversée. Et, en vertu même de la constitution sociale de la Prusse, ce n’est point une assemblée populaire qui sort de ces timides essais, c’est une assemblée oligarchique. Par quelle étrange illusion d’optique Hardenberg redoutait-il de voir surgir en ces lieux et en ces temps l’esprit révolutionnaire? Il faillit se heurter, toutes proportions gardées, à une chambre introuvable ; il se heurta en tous cas à l’esprit particulariste de l’oligarchie prussienne.

  1. A, Stern, Abhandlungen und Akienstücke zur Geschichte der preussischen Reformzeit, VI, Die Sitzungs-protokolle der intermistischen Landes-reprasentation Preussens, 1852-1815, p. 129.