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devoir de lire les ouvrages dont ils écrivent ; et c’est ce que ne paraissent point faire certains folliculaires italiens. Il y a là, assurément, une originalité ; mais est-elle bien de celles dont une nation se doive enorgueillir ? »

En même temps qu’elle proposait à Acerbi la note qui fut l’origine de tout ce débat, Mme de Staël lui avait promis de donner à la Biblioteca Italiana « quelques réflexions sur Gênes et Pise », où elle venait de séjourner avec M. de Rocca et son fidèle Schlegel. Mais l’accueil fait à la note, et à la lettre qui l’avait suivie, n’était point pour l’encourager à parler davantage de l’Italie au public italien. Elle commençait d’ailleurs à ressentir les premières atteintes du mal qui devait l’emporter quelques mois plus tard. Elle n’en devait pas moins, cependant, rester jusqu’au bout en correspondance amicale avec le directeur de la Biblioteca Italiana. M. Luzio publie toute une série des lettres qu’elle lui a écrites, et dont il n’y a pas une qui n’eût valu d’être citée en entier. Pleines d’anecdotes piquantes, de jugemens imprévus, toutes attestent la vigueur de sa pensée, son indépendance d’opinions, et cette infatigable curiosité qu’elle ne pouvait s’empêcher d’apporter aux objets les plus différens.


Mais il est temps que nous revenions à l’histoire de la Biblioteca Italiana. Fondée, comme nous l’avons vu, en 1816, la revue que dirigeait Acerbi avait d’abord semblé devoir fournir une carrière des plus brillantes, et des plus lucratives. Sur l’invitation du gouvernement autrichien, plus de mille municipes s’y étaient abonnés : et les souscriptions des particuliers étaient venues en grand nombre, attirées par les noms de Monti et de Giordani, les deux noms alors les plus populaires de la littérature italienne. Mais les premières livraisons avaient déçu toutes les espérances. Giordani les avait encombrées de lourdes et banales improvisations, tandis que Monti, au contraire, n’avait pas même pris la peine d’y collaborer, se bornant à y faire écrire ses protégés, et à en exclure tout écrivain dont le talent aurait pu lui porter ombrage. Le troisième membre du comité de rédaction, Breislak, allait plus loin encore : non content d’imposer sa volonté à Acerbi dans la direction de la revue, il le diffamait au dehors, répandant sur lui, dans les journaux, toute sorte de bruits calomnieux. Et pour comble de malechance, le gouverneur Saurau s’avisait, en février 1817, d’informer les municipes qu’ils étaient parfaitement libres de ne pas se réabonner à la Biblioteca Italiana : de telle sorte que, un an après sa fondation, la revue voyait le nombre de ses abonnés décroître de près