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prussien ne comptait même pas leur demander une déclaration de résipiscence, et il ne subordonnait pas davantage à la prestation du serment d’obéissance aux lois de mai le paiement des traitemens ecclésiastiques.

Au Vatican, on crut devoir résister à ces offres. On remarqua qu’autant le Chancelier avait été prodigue de paroles encourageantes et même de professions de foi très hardies sur le caractère défectueux des lois de mai, autant il avait montré de répugnance à contracter vis-à-vis du Saint-Siège le moindre engagement propre à restreindre sa liberté d’action envers l’Eglise. Il avait bien déclaré au nonce que les lois de mai avaient été faites « contre sa volonté ; » que les principaux auteurs de cette législation avaient profité, pour l’introduire, d’une période pendant laquelle il avait dû, à la suite de dissentimens graves avec certains de ses collègues, sortir du ministère prussien et se borner à exercer ses fonctions de chancelier de l’Empire ; il avait même reconnu que les législateurs de Berlin avaient commis une absurdité en prétendant munir le pouvoir judiciaire du droit de déposer des évêques, alors qu’on aurait dû tout au plus leur interdire l’exercice de leur ministère. Mais là s’était arrêtée la condescendance du Chancelier. Dès lors, l’armistice qu’il avait proposé comme prélude d’une pacification complète n’aurait eu d’autre effet que de faciliter la rentrée dans leurs diocèses de quelques-uns des évêques qui avaient échappé à la prison par l’exil. Au lendemain de leur rentrée en Prusse, ces évêques se seraient retrouvés en présence des difficultés nées pour eux des Mai-Gesetze.

Mgr Aloysi n’eût pas été éloigné de poursuivre une négociation au bout de laquelle il n’entrevoyait pas, à la vérité, la fin certaine de l’état de guerre, mais qui eût permis à l’Eglise de faire rentrer en ligne des troupes alors dispersées. En fin de compte, le parti de la résistance l’avait emporté à Rome ; et il n’est pas douteux que les indications venues d’Allemagne même à la chancellerie pontificale, concurremment avec les offres du prince de Bismarck, contribuèrent beaucoup à faire prévaloir au palais apostolique les idées d’énergie. Il est à remarquer, en effet, que ce furent les victimes du Culturkampf, c’est-à-dire les évêques déposés et exilés, ou les prêtres dépouillés de leurs bénéfices qui accueillirent avec le plus de défiance les bruits relatifs au rétablissement éventuel de bons rapports entre le pouvoir civil et l’Eglise. A leurs yeux, le Culturkampf était une institution