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verre et de fonte que l’on s’est résolu à permettre leur construction en maçonnerie. Par là ils sont moins voyans, mais aussi difformes et plus lourds, ils empâtent tout l’édifice. Ce qui faisait en ce genre le charme des ouvrages fantaisistes du moyen âge, que ces massives excroissances ne rappellent en rien bien qu’elles prétendent s’en inspirer, c’était leur grâce légère. Les verrues, les poussées de la pierre délicatement travaillée, ne se plaquaient pas de la base au faîte des hôtels anciens, avec la raideur et la régularité de nos ajoutis actuels. Il faut que ceux-ci fassent la joie de tous les locataires sans exception, depuis l’entresol jusqu’au cinquième, et le confort démocratique de notre régime cellulaire ne permet pas qu’ils se dérobent à cette mission par des saillies capricieuses, agréables uniquement aux yeux de l’archéologue qui donne son avis et non son argent.

Pour l’immeuble citadin le dedans règle le dehors; l’architecture est esclave de la location. Or la location, qui exige beaucoup d’étages, les veut presque égaux — ceux qui auraient. une excessive hauteur de plafond ne rapporteraient pas plus cher ; ceux qui seraient trop bas, et peu logeables, ne rapporteraient rien du tout ; — il lui faut énormément de fenêtres, parce qu’elle a beaucoup de petites pièces à éclairer. Peu lui chaut de violer les rapports esthétiques du plein et du vide.

Ces entraves qui arrêtent l’artiste, il les surmonterait ou en serait libéré que, pour la maison de rue, la beauté ne serait pas atteinte encore. C’est la perspective surtout dont elle manque, la place où l’on ne bâtit pas, qui, pour le spéculateur, semble perdue parce que les moellons la respectent et qui cependant fait partie intégrante de l’édifice, puisqu’il en tire sa dignité, sa gloire. Que seraient les Invalides sans l’Esplanade? Et quelle impression pourrait produire une merveille architecturale, si on l’enfermait en portefeuille, comme ce ministère de l’agriculture languissant replié dans la rue de Varenne, où nul ne le verra jamais?

Il était, voici un quart de siècle, rue Saint-Dominique, un hôtel médiocrement bâti, mais d’un effet superbe quand, le seuil franchi, apparaissait une cour immense reposant avec noblesse dans l’encadrement de trois corps de logis assez bas. Le percement du boulevard Saint-Germain emporta une partie de la cour et coupa les extrémités des ailes. Le possesseur, pour rattraper du logement, employa quelque peu de l’indemnité d’expropriation