mais que le parlement a le devoir de rechercher et de signaler. Assurément, ce prétexte est spécieux, et si le parlement se contente de faire en quelque sorte sa police intérieure, s’il n’émet pas la prétention de reviser tous les contrats passés entre particuliers, s’il ne se fait pas à la fois jury d’honneur, tribunal correctionnel et tribunal de commerce, enfin s’il reste dans son domaine propre et dans sa compétence, son œuvre aura peut-être quelque portée. Mais c’est beaucoup attendre de lui ! Quoi qu’il en soit, M. Le Poittevin sait dès aujourd’hui que l’instruction sera soumise à un contrôle, et quel contrôle ! le plus soupçonneux et le plus exigeant de tous. S’il était capable de quelque faiblesse ou de quelque complaisance, elle lui serait sévèrement reprochée. Toutes les pièces de l’affaire seront déposées sur les bureaux des Chambres. N’y a-t-il pas là, même pour les plus difficiles, une garantie propre à les rassurer ? Après M. Le Poittevin, MM. Rouanet, Millerand, Marcel Habert, le comte d’Hugues, et autres grands justiciers, auront leur tour ; ils tiendront en main tout le dossier de l’affaire, et ils seront libres d’en tirer telles conclusions qu’il leur plaira. Le croirait-on ? Cela même n’a pas paru suffisant à leur impatience, et à deux reprises différentes, à huit jours d’intervalle, ils ont mis la Chambre en demeure de constituer, non pas dans trois mois, mais tout de suite, cette commission d’enquête sur laquelle ils comptent pour faire toute la lumière. M. le président du Conseil s’y est opposé pour des motifs qui auraient dû convaincre tout le monde. Est-il admissible, est-il même possible que deux enquêtes soient poursuivies parallèlement sur la même affaire, l’une au Palais de justice, l’autre au Palais-Bourbon ? C’est alors qu’il y aurait entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir politique une confusion qui tournerait vraisemblablement contre le premier. M. Le Poittevin devrait renoncer à la liberté que le gouvernement lui a laissée avec tant de soin. La commission de la Chambre ferait toute la besogne à sa place ; elle lui désignerait les gens à poursuivre ou à ne pas poursuivre ; elle se prononcerait la première sur la qualité des preuves articulées contre eux ; elle disputerait au juge les témoins à sensation. Quant au secret qui doit toujours couvrir de pareilles enquêtes, au moins jusqu’à ce qu’elles soient terminées, on sait par avance comment il serait gardé : il le serait comme l’a été celui des communications faites par M. Le Poittevin à la commission des poursuites. On se demande donc comment l’idée d’ouvrir conjointement tme enquête parlementaire et une instruction judiciaire a pu venir à l’esprit d’un homme sensé. À défaut même de bon sens, il suffisait
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