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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/105

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que par l’aspect radieux de cette toile dans laquelle on ne sait vraiment ce qu’il faut le plus admirer, de la magnifique ordonnance du décor, de la pompe triomphante des colorations, singulièrement hardies et puissantes, ou de cette facture si personnelle, à la fois très large et très fine, pleine de délicatesse et de décision?

Mais peut-être, dans son austérité même, la Conclusion de la paix est-elle plus expressive encore. Avec des moyens très simples et des colorations volontairement appauvries, Rubens atteint ici à une éloquence saisissante. Il semble qu’en réduisant de parti pris les richesses habituelles de sa palette, il manifeste mieux encore toutes les ressources de son talent et qu’à force de génie, il supplée victorieusement à l’insuffisance de la matière.

Sans être aussi complètement beaux, que de détails heureux renferment d’autres tableaux de cette suite ! Dans Henri IV recevant le portrait de Marie de Médicis, c’est le roi lui-même, avec sa physionomie spirituelle, son teint fleuri et sa tournure élégante dans son armure gris de fer à reflets dorés. Quelle invention délicieuse, dans le Mariage à Lyon, que ces deux petits génies, aux ailes de papillons, assis sur un char doré, l’un d’eux, déluré et matin, regardant franchement le spectateur; l’autre, à demi renversé, un blondin vermeil, au corps potelé, qui agite sur le ciel son flambeau enjolivé de rubans rouges, une vraie fête pour le regard! Et, dans la Naissance de Louis XIII, n’est-ce pas aussi une figure exquise que celle de la reine, encore pâlie et fatiguée des douleurs de l’enfantement, mais qui, d’un air si tendre, contemple son nouveau-né ? Quelle langueur et quel abandon dans toute sa personne ! Quelle grâce dans ses pieds nus, deux pieds roses, adorables, dont l’exécution à la fois très simple et très habile ravissait Eugène Delacroix ! Si, en présence de la Fuite du château de Blois et de cette scène arrangée à plaisir pour conserver à Marie de Médicis sa dignité de reine, on se rappelle involontairement les traits piquans que devait offrir la réalité, la tournure comique de la fugitive descendant au milieu de la nuit par une échelle, avec ses jupes retroussées, et son émoi d’avoir, dans sa précipitation, oublié ses bijoux les plus précieux; en revanche, la composition admise, quels contrastes heureux ! quelle puissance dans les intonations ! quelle largeur dans le parti adopté par le maître ! Et de même, si, dans l’Apothéose d’Henri IV et la Régence de Marie de Médicis, il est permis de regretter qu’en donnant