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les gens du métier. « La veine, dit-il, m’en paraît généreuse et coulante et les commentaires arrivent fort à point pour expliquer mes intentions. L’auteur est, sans doute, fils d’un maître des requêtes que, si je ne me trompe, j’ai vu à Paris[1]. » Ce qui contrarie un peu Rubens, c’est que si, en général, les sujets des peintures sont exactement définis, l’auteur n’a cependant pas saisi le sens de certains détails, et là-dessus, rétablissant leur véritable signification, il estime que ses intentions sont préférables à celles qui lui ont été prêtées. Au surplus, il n’attache aucune importance à ces observations, « car, à vrai dire, la brièveté du poème ne permettait pas de tout dire en si peu de mots, mais ce n’est pas une affaire de brièveté que dire une chose pour une autre. » Morisot devait tenir compte des observations de Rubens et ce n’est qu’après avoir ajouté à son manuscrit force éloges sur les tableaux, qu’il le donnait à l’impression. Un des premiers exemplaires était envoyé avec une dédicace[2] au peintre et accompagné d’une lettre à laquelle celui-ci, en écrivant à Dupuy, s’excuse de ne pouvoir répondre sur-le-champ (20 janvier 1628). Il ne saurait d’ailleurs, sous peine de craindre pour lui-même le sort de Narcisse, accepter toutes les louanges que le poète lui prodigue, sachant qu’elles sont dictées par l’amabilité de l’auteur « qui, à propos d’un si mince sujet, donne librement carrière à sa verve éloquente. »

Plus d’un demi-siècle devait s’écouler avant que la galerie de Médicis fût appréciée d’une manière plus sérieuse. Il est vrai que Rubens trouvait alors dans de Piles un admirateur passionné de son génie. Croyant, ainsi qu’il le disait, « avoir déterré le mérite de ce grand homme qui jusque-là n’avait été regardé que comme un peintre peu au-dessus du médiocre », de Piles ne laissait pas de montrer pour lui quelque partialité. « Il est aisé de voir, s’écrie-t-il dans son enthousiasme, que l’Italie ne nous a point encore donné personne qui ait toutes les parties de la peinture, et que Rubens les a possédées toutes à la fois, non seulement avec la certitude et par les règles, mais éminemment par la supériorité et l’universalité de son génie. » Renchérissant encore sur ces éloges dans son Dialogue sur le coloris, il ajoute : « Le meilleur

  1. Et en marge, estropiant son nom, Rubens écrit : « Nommé M. Maréchot. » C’était probablement en vue du privilège de ses gravures en France qu’il avait été en rapport avec lui.
  2. Il appartient à la Bibliothèque Nationale.