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servantes s’empressent et bavardent : les unes relèvent et soutiennent la femme qui vient d’accoucher, la mènent jusqu’au khang, où son lit est prêt; d’autres préparent la pièce de toile bleue et les liens pour emmailloter l’enfant, que la sage-femme est occupée à baigner; les servantes apportent des couvertures, de la nourriture pour l’accouchée. Mais ce n’est qu’une fille qui vient de naître, et un pareil événement n’est pas loin d’être considéré comme un châtiment du ciel pour une faute commise dans cette vie ou dans une vie antérieure: dans la religion chinoise, en effet, comme dans le vieux culte domestique de notre race, les enfans sont avant tout destinés à offrir au père et aux ancêtres les sacrifices qui entretiendront leur vie d’outre-tombe; seul, l’homme est capable de célébrer ces rites; celui donc qui n’a pas de fils ne recevra pas de culte funéraire, son esprit et les esprits de ses ancêtres souffriront de la faim et de la soif et entreront au nombre des esprits errans qui tourmentent les hommes. C’est pour cela qu’une fille est rarement la bienvenue, surtout si elle est une première née, ou, plus encore, une nouvelle fille survenant dans une famille privée de fils; le père, qui doit se tenir éloigné de l’appartement pendant le temps de l’accouchement et s’abstenir d’y rentrer durant un mois après, accueillera mal la nouvelle d’une naissance qui n’assure pas la perpétuité de sa race et qui lui fait peu d’honneur auprès de toute sa parenté. Cependant les sentimens de respect de soi-même et d’affection naturelle l’emportent sur le mécontentement et l’enfant sera élevée avec les soins nécessaires; on ne la laissera pas trois jours sur un tas de chiffons, comme il était de règle dans l’antiquité. Le troisième jour, la mère se lève ; toutes les femmes parentes ou alliées, toutes les amies viennent la voir et assistent au « bain du troisième jour » donné à l’enfant; à cette occasion, les grand’mères et les parentes les plus proches font des cadeaux à la mère. Un mois après la naissance, a lieu la cérémonie des relevailles : lanière sort de sa chambre, salue les chefs de la famille, puis elle va dans le salon de réception recevoir les félicitations des parens et amis, qui apportent des cadeaux pour la petite fille; la mère se rend aussi au temple le plus voisin et offre de l’encens indifféremment à la déesse bouddhique Koan yin, ou à l’Impératrice céleste qui joue le même rôle chez les taoïstes: ce jour de fête se termine parfois par un banquet. S’il s’était agi de la naissance d’un garçon, la jeune mère eût brûlé de l’encens dans la