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Japon, En Chine, l’instruction n’est jamais donnée au dehors et il n’y a pas d’écoles de filles : chez les gens besogneux, le père ou la mère enseignent quelques caractères à leur fille, s’ils en ont le temps ou la patience, mais il arrive souvent qu’ils ne s’en soucient pas, aussi l’ignorance féminine est très générale et très profonde ; les chrétiennes de la classe pauvre sont presque toujours plus instruites que les femmes non chrétiennes des mêmes rangs de la société : dans les orphelinats, en effet, on montre aux petites filles un peu de lecture et d’écriture et les missionnaires conseillent aux parens d’instruire leurs enfans. Dans une maison qui a quelque aisance, il y a toujours pour les fils un ou plusieurs précepteurs, lettrés pauvres, mais souvent très instruits ; on les traite comme des membres de la famille, et on les charge de l’instruction des filles, dans les momens où ils ne sont pas occupés avec les garçons. L’instruction, chez les hommes comme chez les femmes, est beaucoup plus répandue dans le sud que dans le nord : dans les familles nombreuses et très ramifiées qui sont fréquentes dans les provinces centrales et méridionales, les branches les plus rapprochées entretiennent à frais communs des écoles pour tous leurs enfans; il n’est pas très rare, m’a-t-on affirmé, que des jeunes filles, jusqu’à dix ou douze ans, aillent avec leurs frères dans de pareilles écoles de famille. A Canton, on trouve des professeurs-femmes, qui vont à domicile apprendre la lecture et l’écriture, la littérature, la poésie, la musique, le dessin, la broderie ; quelques femmes du sud acquièrent ainsi une instruction solide et variée : le XVIIIe siècle a vu l’exemple d’un célèbre lettré, Yuen Mei, qui a donné des leçons de poésie à des dames de grande famille et a entretenu avec elles des relations littéraires; on connaît aussi, les noms de quelques femmes qui ont écrit sur la morale ou sur l’histoire : il est assez remarquable que, dans une littérature qui ne manque pas de recueils épistolaires, pas un ne soit sorti du pinceau d’une femme. Dans le nord, la connaissance du dessin est rare, celle de la musique encore davantage : les filles ne lisent que les livres élémentaires, ceux que les garçons étudient avant douze ou treize ans; la méthode d’enseignement, la même pour les deux sexes, consiste à faire apprendre ces textes par cœur, sans expliquer le sens des caractères ; plus tard, seulement, à dix ou douze ans, on cesse de s’adresser uniquement à la mémoire des enfans, mais c’est souvent vers cet âge que l’on arrête l’instruction des jeunes filles, qui, par suite,