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famille, échange des lettres de fiançailles, envoi de cadeaux avec les lettres, festins, tout cela peut se faire en deux ou trois mois. La plupart des présens sont destinés à la fiancée ; cependant on donne à sa famille quelques livres de viande et de farine, du grain et autres victuailles pour l’aider à préparer un banquet : c’est le symbole d’une vente de la fille. Il n’y a pas d’autre contrat écrit que les lettres de fiançailles. Le trousseau étant envoyé chez le futur gendre un ou deux jours d’avance, celui-ci, le jour venu, se rend chez ses beaux-parens et reçoit d’eux la fiancée enveloppée d’un voile rouge ; il la fait monter dans une chaise rouge, puis, la précédant, va la recevoir à la porte de la maison paternelle ; l’aller et le retour se font en grande pompe, avec l’escorte des paranymphes, au bruit des pétards qui doivent éloigner les mauvais esprits. Je ne puis, d’ailleurs, noter tous les détails de ces cérémonies déjà maintes fois décrites; je ferai seulement remarquer que l’on s’efforce d’accumuler tous les présages de bonheur, dont le sens est le plus souvent tiré d’un jeu de mots : une selle que la fiancée doit franchir, des jujubes et des châtaignes qu’on lui offre, parce que le même mot veut dire « une selle » et « la paix», et que le nom des jujubes et des châtaignes forme la phrase : « Ayez bientôt un fils » ; la liste de ces symboles puérils serait longue à dresser. A la maison du mari, les cérémonies essentielles sont l’adoration du ciel et de la terre, et le rite des coupes : les fiancés reçoivent deux gobelets reliés par un fil rouge, les vident à moitié, les échangent et les achèvent. Sans autre rite religieux, sans intervention officielle[1], le mariage est conclu : désormais la jeune fille a disparu pour faire place à la jeune femme; ses paranymphes vont dans une chambre lui enlever le voile rouge, l’habiller, la coiffer en femme mariée, en relevant les bandeaux qui lui couvraient le front, et lui épilant les tempes; puis elle rentre dans la salle (c’est la première fois que son mari la voit) et elle salue ses beaux-parens et toutes les femmes de la famille de son mari, qui lui donnent chacune un bijou. Alors a lieu une épreuve terrible pour la jeune mariée ; tous les parens, les amis, les voisins s’approchent et viennent la saluer : primitivement, il n’y avait là qu’une présentation destinée à établir les relations et à marquer la bonne harmonie de la famille avec tout le voisinage; mais l’usage moderne a laissé dégénérer

  1. Les Mantchous doivent faire inscrire leur mariage sur leurs registres spéciaux d’état civil.