Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans toute la classe ouvrière, pauvre ou aisée, la première occupation des femmes est la tenue du ménage ; tous les vêtemens, jusqu’aux chaussures, sont faits par elles; elles filent le coton, tissent la toile, fabriquent des souliers pour les vendre au dehors : une fileuse des environs de Thien tsin peut gagner cinquante sapèques par jour, alors qu’elle en dépense trente-cinq[1] pour sa nourriture. Dans les fermes, la femme élève les vers à soie, moud le grain, au besoin tire la charrue côte à côte avec l’âne; dans les provinces centrales, ce sont les femmes qui cueillent les pousses de thé pour l’entrepreneur de la récolte ; dans les régions à porcelaine, au Kiang-Si, par exemple, beaucoup de pièces ordinaires sont modelées et décorées par des ouvrières. Les sages-femmes sont d’une classe un peu plus relevée ; elles sont libres dans leur profession et forment des élèves à leur gré; un accouchement leur rapporte rarement plus de trois ou quatre taëls[2] avec quelques cadeaux; elles sont aussi, malgré leur ignorance, les seuls médecins que la coutume autorise pour les femmes. Je rappelle, à propos des professions féminines, que, s’il existe des professeurs-femmes à Canton, il n’y a nulle part de maîtresses d’école. Les travaux qui conviennent à la femme chinoise, sont les soins du ménage et les ouvrages qu’elle peut emporter à la maison, ou faire isolément dans les champs : ces occupations plaisent aux moralistes, parce qu’elles laissent subsister la séparation des sexes; mais jamais on ne voit une femme tenir une boutique ni même y remplacer momentanément son mari absent, car elle ne peut avoir de rapports avec le public : le mari, avec ses commis et apprentis, s’occupe du commerce, tandis que la femme se tient dans sa chambre ou dans sa cuisine. De même, les ateliers de broderie qui existent à Pékin, sont dirigés par des hommes et composés d’ouvriers : il n’existe d’ateliers ni de couturières ni de cordonnières, et tous les vêtemens féminins se font à la maison. Aussi les filatures de Chang-haï, les ateliers de triage de soies de Tien-tsin sont un grand scandale pour les moralistes. Les batelières de Canton appartiennent aux derniers rangs de la population; et quant aux femmes de capitaines de jonques de riz, qui accompagnent leur mari depuis la Chine centrale jusqu’à Tien-tsin, elles ont à bord une vie aussi retirée que celle de la fermière dans ses champs.

  1. Environ 0 fr, 075 et 0 fr. 0525..
  2. De 12 à 16 francs.