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nécessaires dans la famille chinoise pour la perpétuité des sacrifices : toutefois il arrive fréquemment qu’un homme riche, à qui sa femme a donné des enfans, a cinq ou six concubines, alors que la durée du culte domestique est pleinement assurée. Les concubines n’ont pas part au culte de famille; quand elles ont donné des enfans à leur maître, elles ne sont habituellement pas vendues par lui, et elles ne peuvent l’être par ses héritiers ; elles sont enterrées dans l’enceinte du cimetière domestique et leurs fils leur offrent les sacrifices funéraires, mais seulement après les avoir offerts à l’épouse principale. Bien que, par leur origine, les concubines appartiennent à la classe des esclaves, le fait qu’elles fournissent des héritiers aux ancêtres leur donne une partie de la capacité familiale et religieuse qui leur manquait.

Dans la famille impériale plus que dans toute autre, les héritiers mâles sont nécessaires, puisqu’ils doivent perpétuer le culte des ancêtres impériaux : aussi l’Empereur est entouré de concubines, dont une partie au moins ne sont pas achetées comme esclaves : mais leur sort n’est ni plus relevé ni plus indépendant. Le luxe et l’amour du plaisir ont parfois augmenté hors de raison le nombre des femmes du Palais ; il est des époques, surtout dans l’antiquité, où l’on en a vu plusieurs centaines; la semi-claustration du gynécée chinois ne semble pas suffisante pour elles : on les renferme dans un véritable harem, où leurs père et mère peuvent seuls venir les voir, elles ne sortent que pour accompagner l’Empereur, et seulement dans des voitures ou des chaises fermées; le service de cette partie du Palais est fait par des servantes mantchoues, louées par l’Intendance de la cour, et par des eunuques chinois, au nombre de plus de mille, remplissant tous les offices serviles, depuis celui de jardinier ou de balayeur jusqu’à ceux de cubiculaire et de premier eunuque. Les concubines impériales sont l’objet d’un choix officiel, qui s’est fait récemment dans les circonstances suivantes : l’Empereur régnant et son prédécesseur étant montés fort jeunes sur le trône, quand ils furent d’âge à être mariés, les hauts fonctionnaires mantchous présentèrent à l’Impératrice douairière la liste des jeunes filles mantchoues de tout l’empire, qui, n’étant pas de la maison impériale, pouvaient, par leur âge, par leur situation de famille, prétendre à entrer au harem : après élimination d’une partie des candidates, l’Impératrice fit venir les autres à Pékin, les vit plusieurs fois, les interrogea et en choisit enfin un certain nombre,