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même il présente, dans les honneurs rendus à l’impératrice douairière, la conséquence extrême du principe que j’ai noté plusieurs fois, du relèvement de la femme par la maternité. Impératrice ou sujette, la mère est pour ainsi dire, un être neuf, appelé à une existence religieuse, parce qu’elle a donné un héritier aux ancêtres : du jour où l’impératrice a mis au monde un fils, on lui décerne des noms honorifiques à chaque circonstance solennelle, les fonds attribués à sa cassette augmentent avec le nombre de ses noms : pour peu qu’elle soit intelligente, l’influence lui vient vite. A une concubine impériale, la naissance d’un fils assure un rang privilégié, un nom honorifique de son vivant, une tablette après sa mort et un culte domestique; si la fortune la favorise, elle peut recevoir le titre d’impératrice : c’est ainsi que l’impératrice douairière actuelle, d’abord simple concubine, est montée au rang suprême.

Mais ce respect accordé à la maternité n’apparaît pas en plein, tant que vit le chef de la famille : Empereur ou particulier, il est tout au foyer domestique et la mère est d’abord son épouse, c’est-à-dire plutôt une inférieure qu’une égale; lors du veuvage, la femme, la mère passe au premier plan et, de plus, une part des sentimens de piété dus au père se réfléchit sur celle qui a été sa compagne. Dans la classe aisée, les seconds mariages sont très rares, même pour les jeunes femmes, à la différence de ce qui se passe chez les pauvres ; ils jettent un déshonneur sur la famille de la femme, sur celle du défunt et sur le nouveau mari; la loi les désapprouve tacitement, elle laisse la veuve sous la dépendance des agnats de son époux ; si elle se marie sans leur consentement, elle est tenue pour adultère et punie comme telle ; si, au contraire, ils veulent lui faire contracter un nouveau mariage, elle est libre de refuser; les enfans de la veuve remariée sont déliés de leurs obligations de respect et restent, avec les biens du père, dans la famille paternelle. Quant à celle qui conserve sa foi au défunt, elle tient en tout sa place : elle est en possession des biens, hérite, administre, hypothèque, vend comme il l’aurait fait; elle a autorité sur toute la maison, esclaves, serviteurs, concubines et enfans du mort; elle élève ceux-ci, les marie, les châtie, les vend, les exclut de la famille avec le même. pouvoir que le père; bien plus, si le fils est en bas âge, c’est la veuve qui, par exception et représentant son fils, a le rôle principal dans le sacrifice offert au père et aux ancêtres ; si le mort n’a pas laissé