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les traditions de la suprême autorité de l’Église, de nature à faire faire à la grande question à la fois dogmatique, philosophique et sociale qu’il a en vue, un pas décisif vers une solution jusque-là douteuse ou obscure. Il sait, comme moi, qu’il n’en est rien, attendu que ce n’est nullement sur la constitution politique du gouvernement que le débat s’est engagé à un point de vue religieux, entre les détracteurs ou les approbateurs de la société moderne, et cela, par la raison très simple que, dans le choix à faire pour un peuple entre la république et la monarchie, jamais ni le dogme, ni la foi, ni le droit divin, ni même le droit ecclésiastique, n’ont été ni de près ni de loin intéressés. L’Église a vécu de tout temps en bonne intelligence avec des républiques comme avec des monarchies, et, si elle professe que tout pouvoir vient de Dieu et que c’est à ce titre seulement qu’il a droit à l’obéissance, elle reconnaît ce caractère de délégation divine aussi bien à l’autorité d’un représentant de l’élection populaire qu’à l’héritier d’une dynastie. C’est un axiome théologique qu’en aucun temps, aucun docteur n’a mis en doute. Il est même très faux de dire, comme le Père Maumus paraît quelquefois le laisser croire, que l’ancienne Eglise gallicane, assurément très dévouée à la royauté, lui ait jamais reconnu un caractère sacré, excluant toute autre constitution du pouvoir politique. Bossuet lui-même, qui n’était ni gallican, ni monarchique à demi, dans son fameux traité de la Politique tirée de l’Écriture Sainte, qu’il dédia à son royal élève, le fils de Louis XIV, affirme bien que la monarchie est la meilleure et la plus durable des formes de gouvernement, mais ne prétend en aucune manière qu’elle soit la seule qui puisse être chrétiennement et catholiquement reconnue.

Cette indifférence, ou, pour parler plus correctement, cette impartialité (car l’Église n’est jamais indifférente à ce qui intéresse les peuples) qu’elle professe en principe, à l’égard des constitutions politiques, elle en a donné en France depuis un siècle de nombreux et constans exemples. Nous en sommes aujourd’hui à notre troisième épreuve républicaine, succédant à trois intervalles de monarchie. Ni royauté, ni république d’aucune sorte n’ont été l’objet d’une hostilité de principe de la part des saints pontifes dont Léon XIII est le digne successeur. La république de 1792 elle-même n’aurait pas rencontré l’opposition du Saint-Siège, si elle ne l’avait pas provoquée en empiétant, par la constitution civile du clergé, sur le régime intérieur de l’Église. Dès