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elle ne disputerait à personne le droit de prétendre à s’en faire une pareille à côté d’elle.

Lorsque, après la chute de la royauté, la loi de 1850 mit fin par une transaction à cette lutte ardente, les vainqueurs ne se montrèrent nullement, quoi qu’on ait dit, infidèles aux promesses faites pendant le combat. Cette loi, fort dénaturée depuis lors, mais dont les principales dispositions subsistent encore, se divisa, comme on sait, en deux parties distinctes. La première accordait le droit d’enseigner à tous les Français, moyennant certaines conditions, les mêmes pour tous, et sans autre exception que celles qui pouvaient résulter des incapacités judiciaires. Il n’y eut à cet égard, dans la commission qui préparait la loi, aucune incertitude, surtout de la part de ceux qui représentaient la cause de l’Eglise, et si quelque doute parut s’élever un instant, ce fut chez des politiques, libéraux prétendus et voltairiens attardés, qui voulaient faire de l’habit religieux un motif d’exclusion et une cause d’ostracisme : une mesure d’exception, réclamée contre les Jésuites en particulier, fut écartée, non point en raison des services que cette compagnie avait pu rendre à l’Eglise, mais au nom, plusieurs fois invoqué par l’abbé Dupanloup, de la justice et de la liberté. « Justice et liberté ! s’écriait M. Thiers, qui avait été le plus difficile à convaincre; l’abbé a raison, je n’ai rien à dire. »

Mais le droit d’enseigner étant ainsi reconnu à tous (et précisément parce qu’il l’était avec une telle largeur), il n’était pas possible de priver l’État du droit, ou plutôt de le décharger du devoir, qui lui revient dans toute société policée : celui d’exercer sa surveillance sur un intérêt d’une aussi haute importance que la préparation morale des générations futures. L’Université, qui avait exercé cette attribution au nom de l’Etat tant que son monopole subsistait, ne pouvait plus la garder, au moins à titre exclusif, du moment où elle n’avait plus tout l’enseignement à sa charge. La seconde partie de la loi devait donc être consacrée à faire, à côté de la part donnée à l’initiative de l’individu, celle qui devait être réservée à l’action légitime de l’autorité publique. On crut y pourvoir par un système, dont il serait superflu de reproduire le détail, puisqu’on l’a si complètement modifié qu’il n’en reste plus que le souvenir. Il suffit de dire que le fond consistait à préposer aux divers ordres de l’enseignement des conseils formés d’élémens divers, où furent appelés des représentans des diverses forces sociales, toutes également intéressées