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respectées de tous, à des récriminations rétrospectives, et à me rappeler les jours parfois difficiles que nous avons traversés en commun.

Et ce qui rend d’ailleurs aussi peu convenable que nécessaire de revenir sur ces faits passés, c’est que le temps présent ne ramènera assurément rien de semblable à la cause qui porta alors la division entre les catholiques. La scission s’opéra, on le sait, au lendemain du coup d’État de 1851, quand le pouvoir issu de cette journée mémorable, s’il ne supprima pas entièrement toutes les libertés publiques, — liberté de la presse, liberté électorale et parlementaire, — leur imposa au moins une sévère contrainte. En même temps le nouveau chef de l’Etat, investi d’une puissance très étendue, témoignait à la religion une bienveillance intéressée à laquelle de vénérables prélats, suivant le mouvement de réaction qui entraîna alors toute la France, se montrèrent enclins à prêter trop de confiance. La pensée dut donc alors venir naturellement, au lieu d’attendre de la liberté, tombée en discrédit, le complément d’affranchissement qui manquait à l’Église, de le solliciter d’une autorité qui paraissait favorable. Les hommes éminens dont j’ai rappelé les noms ne voulurent pas s’associer à ces espérances et tinrent à rester fidèles aux revendications libérales dont ils avaient si heureusement tiré profit. Ce fut là, entre champions de la même cause qui combattaient ensemble la veille, le sujet d’un dissentiment qui ne tarda pas à s’aigrir, et que de part et d’autre peut-être, des inexactitudes et des exagérations de langage contribuèrent à obscurcir et à envenimer.

Mais l’incident même qui y avait donné lieu fut passager. L’empire n’avait donné à l’Église que de bonnes paroles auxquelles, une fois affermi, il n’ajouta en réalité aucune suite sérieuse : et peu d’années ne s’étaient pas écoulées, qu’à la suite de la guerre d’Italie, la politique impériale vint menacer, avec le pouvoir temporel du Saint-Siège, son indépendance et par suite celle de l’Église elle-même. Atteints ainsi dans des sentimens qui leur étaient chers, tous les catholiques ne purent confier l’expression de leurs griefs qu’aux voix de la tribune, de la presse, qui, bien que très affaiblies, réussirent pourtant à se faire écouter. Il fallut donc bien revenir en fait à l’usage de la liberté ou, du moins, à ce qui en restait, puisqu’on ne pouvait plus compter que sur elle.

Depuis lors, bien que théâtre, acteurs et décoration, tout ait disparu, la situation est restée la même, et je ne vois pas que les