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soins avec ses services largement installés, son avant-port bientôt achevé et sa rade, une des plus belles du monde. Pourquoi, dès lors, ne pas se contenter, pour l’Océan, de Brest, comme port militaire muni de tous les services de ravitaillement, et de supprimer ces services dans les deux autres ports du Golfe ? Rochefort et Lorient deviendraient de simples établissemens de construction, le premier pour les bâtimens de petit ou moyen tonnage, le second pour les cuirassés et grands croiseurs ; les constructions pourraient même être concentrées à Lorient, tandis que Rochefort se transformerait en fonderie et usine à canons aux lieu et place de l’établissement de Ruelle qui en est voisin. En poussant l’idée à l’extrême, les trois grands ports restés essentiellement militaires verraient fermer leurs chantiers de constructions navales, ne conservant plus que les organismes nécessaires à l’entretien et à la réparation des navires en réserve ou armés. On compterait réaliser, grâce à cette réforme, la réduction des états-majors à terre et surtout des services auxiliaires qui fonctionnent dans les cinq ports, sinon avec les mêmes effectifs, du moins avec la même organisation.

L’idée de la spécialisation des ports n’est pas nouvelle. lle a, à diverses reprises, donné lieu à examen et discussion. En 1879, une délégation mixte était chargée de l’étudier sur place et émettait un avis motivé, défavorable à la mesure. Plusieurs fois, depuis lors, la question s’est posée devant les Chambres ; elle n’y a pas été retenue. Étant de celles qui ne pourraient être accueillies sans léser des intérêts de région, elle a moins de chances de l’être avec tout régime où les influences parlementaires sont prépondérantes. Essayons, en tous cas, en nous dégageant de ces considérations, d’examiner, en regard des avantages d’économie que présenterait la mesure, les objections qu’elle soulève. Elles sont à la fois d’ordre militaire, technique et financier.

La guerre maritime, dans quelques-unes, du moins, des hypothèses où il convient de se placer pour en prévoir les péripéties, doit amener en vue de nos côtes des croisières de forces navales ennemies trop importantes pour que nous puissions espérer les disperser à la suite de batailles rangées. Nos bâtimens de combat tenant la mer, croiseurs isolés ou unités de nos escadres, ayant incessamment besoin, qu’ils se soient mesurés ou non avec l’ennemi, de rentrer dans nos ports pour s’y ravitailler, pour réparer leurs blessures ou leurs avaries, pourront, à cet effet, être con-