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maîtres, il les étudiait dans leur langue. À dix-neuf ans, après avoir pris ses degrés à la faculté de droit en l’Université de Poitiers, il revint à Fontenay comme avocat ; il plaida, donna des consultations, se chargea des affaires qu’on voulut bien lui confier et prit rang parmi les premiers avocats du Poitou. Le nom de ses cliens en est la preuve.

Frédéric Ritter, ingénieur des ponts et chaussées, et Benjamin Filon, érudit sagace et collectionneur très zélé, tous deux dévoués à la mémoire de Viète, ont recherché et trouvé le nom de Viète dans les études de notaires et dans les procès-verbaux de plusieurs procès. C’est à eux, à Ritter surtout, que nous devons de connaître aujourd’hui les détails d’une vie avant eux presque ignorée.

La veuve de François Ier, Éléonore d’Autriche, avait dans son douaire un très grand nombre de fermes en Poitou ; des difficultés s’élevèrent, et Viète fut chargé de liquider ses fermages. Marie Stuart avait aussi dans le comté de Poitou une partie importante de son douaire. Dans un moulin qui lui appartenait, non loin de Fontenay, on découvrit un trésor, des pièces d’or et d’argent mérovingiennes ou romaines ; comme propriétaire, suivant la coutume, elle avait droit à une part, à la plus grosse probablement. Viète fut chargé de la réclamer et de représenter la veuve de François II.

Dans une transaction relative à un don volontaire de seize millions, payable en douze années par le clergé de France, sous la condition que les droits et privilèges de l’Église seraient respectés, Viète est nommé comme fondé de pouvoirs de plusieurs bourgeois de la Rochelle. Quels étaient les intérêts de ces bourgeois dans la transaction intervenue entre le roi et le clergé ? Je n’ai pas réussi à le savoir.

La terreur religieuse mettait l’Europe en feu. La ruine universelle était en France le moindre de nos maux. La ville de Fontenay, plus riche naguère en marchandises qu’en soldats, prise et reprise par force avec grande tuerie, était désolée et presque déserte. On se massacrait, on se noyait, on se pendait, on se brûlait, et les édits de pacification défendaient de faire justice. On interdisait aux propriétaires, sous peine de démolition, de louer leurs maisons à ceux qui faisaient scandale. Faire scandale alors, selon que triomphaient huguenots ou papistes, c’était aller à la messe ou n’y aller pas. Chaque moitié de la ville prétendait chasser l’autre. Plus de procès ! on les appointait à coups de poignard.