Sous la Restauration ou même sous Louis-Philippe, la culture du seigle se conservait encore en Basse-Provence. Les paysans se nourrissaient d’un pain appelé consegaù, dans la composition duquel le froment n’entrait que pour moitié. En remontant à une époque plus ancienne, le seigle abondait encore plus, comme en témoignent les noms très significatifs de quelques localités. Aujourd’hui cette céréale est à peine connue de nom dans la région qui nous occupe. Les cultivateurs de la plus humble ferme ne se nourrissent que d’excellent pain blanc fait avec le blé du pays, qui est fort beau, sans valoir cependant l’ancienne « tuzelle » de Provence. Jadis, comme dans la Rome antique, le métier de boulanger était inconnu ; dans chaque ménage, on utilisait le four de la maison ou on empruntait celui du « fournier » qui prêtait son local, sans pour cela faire le commerce. Peu à peu, l’habitude de pétrir et de cuire la pâte à domicile s’est perdue, et actuellement, presque tout le monde a recours aux offices du boulanger.
Nous ne nous appesantirons pas sur la culture du blé, ni sur son rendement, ni sur les engrais en usage pour en favoriser la production. Au fumier de bergerie ou d’écurie s’est substitué le tourteau de sésame, et le rendement, c’est-à-dire le rapport de la récolte à la semence, a grossi d’un tiers environ. Autrefois, chez les petits propriétaires, on suppléait à l’insuffisance de l’âne, la bête de labour la plus commune, par un travail manuel acharné. Aujourd’hui, on voit fonctionner des charrues de Dombasle tirées par des mulets accouplés, et jamais isolés comme ceux qui traînent les « fourcats » ou « araires » du Bas-Languedoc.
Beaucoup de vieux travailleurs ont, dans leur jeune temps, manié l’antique faucille; puis est venue la faux, abattant la forêt d’épis dans son rapide va-et-vient et accomplissant beaucoup de besogne, mais un travail moins parfait, au dire des anciens.
Il n’y a pas fort longtemps que de véritables troupes de garçons et filles, après avoir travaillé aux moissons de la banlieue d’Arles, où les chaleurs de l’été, beaucoup plus vives qu’à Aix, précipitent l’époque de la maturation du froment, arrivaient, à la fin de juin ou au début de juillet, pour aider à couper et à entasser les blés, dans la région qui nous occupe. Ils recevaient l’hospitalité dans les grandes fermes qui employaient leurs bras, et, durant plusieurs jours, on les voyait accomplir gaiement leur tâche, souvent interrompue par de fréquens repas. Celui du soir surtout, mieux arrosé que les autres, non seulement se prolongeait fort