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à Marseille. Exagérez-la encore, généralisez-la, et vous vous expliquerez sans peine pourquoi les Méridionaux s’enracinent très vite à Paris et arrivent bientôt à se croire de bonne foi Pari- siens pur sang[1]. La presse a trop souvent plaisanté sur cet innocent travers pour que nous ne le rappelions pas au courant de la plume, sans d’ailleurs insister.

Actuellement donc, notre village a expédié et expédie encore d’assez nombreux émigrans à Aix ou à Marseille, en Algérie, à Paris, voire même dans la République Argentine. Mais c’est surtout la ville d’Aix, à cause de son voisinage et des ressources modestes, mais stables, qu’elle offre à un travailleur dénué d’ambition, c’est surtout Aix qui attire nos paysans, leurs filles et leurs veuves, car une statistique improvisée et, par cela même, nécessairement incomplète nous a déjà fourni 46 individus de tout âge et de tout sexe établis dans l’ancienne capitale de la Provence. Inversement, nous avons pu compter dans le territoire une quarantaine de maisons, que les vieux cultivateurs se rappellent avoir vues habitées, et qui ne le sont plus actuellement. Ce déficit est compensé, il est vrai, par une douzaine de bâtisses neuves dont plus de la moitié construites dans l’agglomération paroissiale et scolaire qui tend à s’arrondir. La bourgade chef-lieu de la commune s’accroît, elle aussi, au point que, tout étant balancé, la population d’ensemble du territoire municipal, après avoir diminué jusqu’en 1886, est restée stationnaire depuis, et tend même à s’accroître. Mais, si aux abords du centre principal, les gains actuels compensent, et au delà, les déficits, il n’en est plus de même pour la circonscription rattachée au hameau ; en 1872 et 1876, 436 et 439 habitans; en 1881, 394 seulement[2]; en 1891, 353 Français et (Italiens: en tout 358 habitans. Le recensement de 1896 n’accuse plus que 347 âmes. La décadence est rapide, mais on pourrait citer des localités voisines encore plus éprouvées.

Jusque vers 1877 ou 1878, alors que l’agriculture prospérait, la population n’essaimait guère au dehors. Les naissances surpassaient même légèrement les décès, et les mariages étaient nombreux. Deux circonstances tendaient à maintenir un état stationnaire ; d’abord nos villageois, médiocrement aisés, mais non

  1. Au contraire, dans l’Hérault, il n’est pas bien rare de rencontrer de simples travailleurs des champs ayant habité Paris.
  2. Chiffre presque identique à celui du recensement de 1846.