à venir passer ses vacances à Bayreuth, le tenant au courant de tout ce qu’il faisait.
Le jeune homme lui ayant adressé, en septembre 1873, un exem- plaire de sa brochure sur David Strauss, Wagner lui répondait que, de son côté, il s’était mis depuis trois mois déjà à l’instrumentation du Crépuscule des Dieux. « Et vous croyez peut-être que j’ai fini ? poursuivait-il. Hélas ! je pourrais marquer d’une croix sur mon calendrier les jours où j’ai trouvé le loisir de travailler à ma partition. À peine je commence, que m’arrivent des lettres, ou d’autres aimables nouvelles qui, m’obligeant à rentrer en rapport avec le monde extérieur, coupent du même coup mon pauvre « génie ». Voilà maintenant que me tombe sur la tête votre David Strauss, et voilà encore que votre collègue Overbeck m’envoie son livre sur la christianisation de la théologie ! C’est à en devenir enragé, comme l’était devenu ce scalde islandais, Égile, dont je vous ai déjà — je crois — raconté l’histoire. Rentrant Chez lui après une longue traversée, ce bon poète avait trouvé, déposé sur sa table, le bouclier d’un de ses amis. — Allons ! s’était-il écrié, il m’a encore apporté cela pour que j’en fasse un poème ! Y a-t-il longtemps qu’il est parti ? Je veux le rattraper et lui casser les reins ! Mais il n’avait pu le rejoindre ; il était rentré dans sa maison, avait bien considéré le bouclier, et... il en avait fait un poème ! Pour ce qui est d’Overbeck, il n’a qu’à venir ici, s’il désire son poème. Et pour ce qui est de vous, je vous jure que je vous tiens pour le seul homme qui sache ce que je veux ! »
Le 27 février 1874., en réponse à l’envoi de l’essai sur l’Utilité et
les Inconvéniens de l’histoire, Wagner écrivait à son jeune ami : « Vous
n’attendez pas, n’est-ce pas, que je vous fasse des compUmens ? Que
pourrais-je dire de nouveau de votre flamme, ou de votre esprit ? Ma
femme trouvera du nouveau à vous en dire : c’est son métier de femme.
Sachez seulement que notre grosse affaire s’arrange. En 1876 tout se
réalisera. Les répétitions commenceront dès l’année prochaine. » Et
Mme Wagner, entre autres complimens, lui disait : « De même que
Bouddha s’est instruit de l’essence des choses en rencontrant sur sa
route un mendiant, un vieillard, et un cadavre, de même que le
chrétien se sanctifie par la contemplation du Sauveur crucifié, de
même le spectacle des souffrances du génie vous a mis en état de comprendre et de juger dans son ensemble notre soi-disant civilisation
moderne. »
Nulle trace, dans tout cela, de la « méfiance » dont se plaignait