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théâtre Larissa et le second Pharsale : pas plus ici que là les Grecs ne se sont battus. Nous les approuvions, il y a quinze jours, de n’avoir pas livré bataille en avant de Larissa, et nous croyons encore aujourd’hui qu’après la perte qu’ils avaient faite des défilés des montagnes, la retraite sur Pharsale était la mesure la plus sage. S’ils s’étaient obstinés à défendre plus longtemps le nord de la Thessalie, ils risquaient d’être tournés et faits prisonniers. Mais ce qu’on ne savait pas alors, c’est que la retraite sur Pharsale, au lieu d’avoir été un mouvement stratégique commandé par les circonstances et exécuté avec sang-froid, avait été une déroute, une débâcle, à la suite d’une panique dont l’armée du diadoque avait été saisie presque tout entière, et qui avait précipité sa fuite à la débandade. Une armée peu aguerrie, mal encadrée, composée pour la plus grande partie d’élémens improvisés, ne retrouve pas de longtemps son sang-froid lorsqu’elle a cédé une fois à un sentiment de cette nature. A partir de ce jour, ceux mêmes qui avaient conservé jusqu’alors quelque espérance devaient la perdre, et la Grèce n’avait plus qu’à demander la paix. La circulaire du comte Mouravief était, de la part de la Russie et de l’Europe d’accord avec elle, une manière indirecte, mais néanmoins très claire d’offrir sa médiation. Pourquoi la Grèce ne l’a-t-elle pas demandée après Larissa ? La situation, à ce moment, ne paraissait pas encore tout à fait compromise en Épire. Si un armistice était venu subitement arrêter les deux armées, les négociations ultérieures auraient été plus faciles. Mais non. La Grèce a persisté à ne rien entendre. Elle a estimé, — on se demande, en vérité, si elle a pu le faire sérieusement, — qu’elle était en mesure de protéger sa seconde ligne de défense après avoir perdu la première, et elle a annoncé l’intention de livrer ou d’accepter la bataille à Pharsale. Quelques jours se sont écoulés, remplis par des combats d’avant-garde. Le colonel Smolenski s’est distingué à Velestinos par le caractère qu’il y a déployé. Mais, il faut le dire, ces succès partiels et sans importance au point de vue des résultats définitifs ont été un peu gâtés par la manière dont les agences helléniques les ont exploités. On les faisait passer pour de grandes victoires, sans qu’il soit facile de dire à qui on se proposait par là de faire illusion, à l’Europe, ou seulement à la foule de plus en plus agitée qui encombrait les rues d’Athènes. L’Europe, pour son compte, ne pouvait pas s’y laisser tromper. Elle suivait d’un œil attentif les mouvemens de l’armée turque, lents, mesurés, prudens, convergeant avec méthode vers un but désormais immanquable. EUe aurait pourtant accepté la fiction des succès helléniques, si le gouvernement du roi Georges en avait