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un cabinet voisin, on avait disposé la toilette du duc de Bourgogne qui fut fort admirée également. « Après le souper, raconte le Mercure, le grand maître et le maître des cérémonies allèrent quérir le cardinal de Coislin qui fit la bénédiction du lit. Mgr le duc de Bourgogne vint se déshabiller dans le cabinet où l’on avait mis sa toilette, et l’on déshabilla dans le même temps Mme la duchesse de Bourgogne qui se mit à son prie-Dieu, dès qu’on eut fait sortir de sa chambre toutes les personnes qui n’y devaient point rester. Le roi d’Angleterre vint donner la chemise à Mgr le duc de Bourgogne, et la Beine la donna à Mme la duchesse de Bourgogne qui donna ses jarretières et son bonnet à Mademoiselle. Sitôt que Mme la duchesse de Bourgogne fut au lit, le Roi fit appeler Mgr le duc de Bourgogne qui entra dans la chambre, en robe de chambre, le bonnet à la main et les cheveux noués par derrière avec un ruban couleur de feu. » Pour la suite, nous laisserons parler Saint-Simon, car il n’y a que les hommes de ce temps pour raconter ces choses : « Le Roi s’alla coucher, et tout le monde sortit de la chambre nuptiale, excepté Monseigneur, les dames de la Princesse et le duc de Beauvilliers qui demeura toujours au chevet du lit du côté de son pupille, et la duchesse du Lude, de l’autre. Monseigneur y demeura un quart d’heure avec eux à causer, sans quoi ils eussent été assez empochés de leurs personnes. Ensuite, il fit relever Monsieur son fils et auparavant lui fit embrasser la Princesse, malgré l’opposition de la duchesse du Lude. Il se trouva qu’elle n’avoit pas tort ; le Roi le trouva mauvais, et dit qu’il ne vouloit pas que son petit-fils baisât le bout du doigt à sa femme jusqu’à ce qu’ils fussent tout à fait ensemble. Il se rhabilla dans l’antichambre à cause du froid, et s’en alla coucher chez lui comme à l’ordinaire[1]. » Le petit duc de Berry, gaillard et résolu, trouva bien mauvaise la docilité de Monsieur son frère et assura qu’il seroit demeuré au lit. Moins exigeant que le duc de Berry, l’ambassadeur de Savoie, que le Roi avait fait entrer un instant, s’empressa d’envoyer un courrier au duc de Savoie, pour l’informer de ce qu’il avait vu.

Le lendemain 8, il y eut pour la première fois cercle chez la duchesse de Bourgogne. « Il y avait lontemps, dit encore Saint-Simon, qu’on n’avait rien vu à la Cour de si brillant par le nombre prodigieux de dames assises en cercle, les autres debout derrière les tabourets, et d’hommes derrière ces dames, et la beauté

  1. Saint-Simon. Édition Boislisle. t. IV, p. 314.