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de canon ne viennent pas baptiser du nom de campagne une promenade qui aura ses fatigues et ses privations. Toutes nos espérances se reportent vers le nord de la Morée et vers l’Attique, qui devra, dit-on, être comprise dans les limites de la Grèce, et que les Turcs, réchauffés par leur succès de Choumla, voudront, dit-on, conserver. On prétend ici...


sous Coron, 29 septembre 1828.

... il y a quatre ou cinq jours que j’ai commencé ma lettre, et me voilà devant Coron. Je ne me rappelle plus ce que l’on prétendait alors; je prétends, pour moi, aujourd’hui, avoir de ce pays une tout autre idée qu’il y a quelques jours. Le 25, j’ai reçu l’ordre de venir, avec une compagnie de sapeurs, me réunir à la brigade Sébastiani, pour opérer sur Coron. Nous sommes passés au-dessus de Navarin et, devant Modon, nous avons traversé trois camps égyptiens, et ensuite le plus affreux pays qu’on puisse voir : plus de dix villages bouleversés, et partout des restes de massacres. La plage de Navarin, couverte d’ossemens et de débris, sans compter les cadavres à moitié découverts qui y fourmillent, n’est rien auprès de ce que nous avons vu. — Une ruine dans un pays sauvage ne tranche pas sur le fond ; mais, dans un pays qui conserve encore toute l’apparence de la culture, — où l’on ne peut faire cent pas sans trouver des jardins presque encore conservés, des fontaines faites avec luxe, d’assez belles avenues, — au bout de tout cela, une maison démolie ou incendiée, des ossemens humains et tout ce qui s’ensuit, produisent un tout autre effet. Nous sommes arrivés tristes et étonnés d’avoir trouvé plus que nous n’avions pu croire. Ajoute à cela que les fièvres qui ont attaqué nos hommes et la fatigue d’une longue route nous en ont fait perdre une quinzaine en tout, dont deux n’ont pas encore rejoint, et sont sans doute perdus. Tu croiras sans peine que nous avons éprouvé une vive satisfaction en arrivant au camp de la première brigade, sur une position saine, charmante, — aux ruines près, qui la déparent. Nous comptons nous refaire ici. Hier, avec un de mes camarades, nous avons été reconnaître Coron. Les Turcs nous ont laissés approcher autant que nous avons voulu. Cependant, lorsque nous avons été sur le bord du fossé, ils nous ont trouvés un peu trop familiers, et un officier est sorti et nous a priés de nous retirer. Notre besogne était faite; et, demain matin,