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carrière, à cette vie d’activité féconde, à ce rôle d’archéologue militant. Tout jeune, il était venu faire ses études à Padoue et à Rome ; il y avait pris la laurea, qui répond à notre licence ès lettres, puis il était entré dans l’administration. Employé au ministère de l’instruction publique, il avait été attaché, sous M. Barnabei, à la direction des fouilles, puis nommé, à Florence, conservateur adjoint de la bibliothèque. C’est là qu’on le prit, il y a sept ans, pour l’envoyer en Sicile. Il n’y avait eu, pendant longtemps, à Syracuse, qu’un simple musée communal ; mais, en Sicile comme dans le reste de l’Italie, les souvenirs du passé parlent trop à l’imagination pour que l’on s’y résigne à l’effacement, là où l’on peut se réclamer d’un glorieux passé. Syracuse a beau être aujourd’hui, en comparaison de Messine, de Catane et de Palerme, une petite ville, ramassée, avec ses rues étroites et tortueuses, dans cette île d’Ortygie qui fut le berceau de la grande cité dont les ruines couvrent, jusqu’à plus d’une lieue de distance, les collines d’alentour ; elle voulut avoir son musée national, et elle le bâtit, en 1885, avec le concours de l’Etat. C’est dans ce musée, dont les salles neuves étaient loin d’être alors remplies comme elles le sont aujourd’hui, que M. Orsi fut placé comme assistant en 1889. Au bout de deux ans, il en devenait le conservateur, et il était chargé, en outre, comme ispettore degli scavi, d’exécuter ou de surveiller toutes les fouilles qui se feraient dans la province de Syracuse. Depuis qu’il exerce ces fonctions, il n’a pas perdu son temps. Les ressources dont il disposait, soit pour les achats, soit pour les fouilles, ont toujours été assez faibles. Syracuse est bien loin de Rome, où les fonds se répartissent, et d’ailleurs, les finances de l’Italie, avec le fardeau des dépenses militaires et avec la guerre d’Abyssinie, ne se prêtaient guère, dans ces dernières années, à subventionner largement les caisses des musées et le budget des fouilles. A Florence, à Rome et à Naples, le tourniquet ne laisse pas de produire une somme qui a son importance ; mais celle qu’il rapporte à Syracuse est insignifiante. Il n’y a guère que les archéologues qui donnent à ce musée plus d’une séance ; la plupart des étrangers, quand ils y entrent, n’y passent guère qu’un quart d’heure, le temps de jeter un coup d’œil sur la célèbre Vénus que Guy de Maupassant a trop vantée.

Avec de très minces crédits, M. Orsi a beaucoup fait pour ce musée ; on peut dire qu’il en est le vrai créateur, tant, avant lui,