Ce fut d’abord M. Pécaut, c’est aujourd’hui M. Steeg, et M. Pécaut a même laissé dans l’école une façon de légende, et de légende fort honorable. Il réunissait tous les matins les élèves dans une conférence, et leur exaltait l’esprit sur leur mission de citoyennes et d’éducatrices, leur rôle de prêtresses de l’instruction. L’élève de Fontenay se trouvait-elle mal de cette surexcitation ? Y perdait-elle en esprit positif ce qu’elle y gagnait peut-être en dangereuse élévation de sentimens, et l’esprit laïque de M. Pécaut, par cela même qu’il s’élevait au-dessus du terre à terre pédagogique, ne semblait-il plus laïque à d’autres esprits encore plus laïques que le sien ? Toujours est-il qu’on le remplaça, mais son souvenir est toujours là, et M. Pécaut ne mourra pas dans l’école. Il y aura toujours dans la maison quelque chose de l’idéal qu’il essayait de faire luire, comme une petite lueur d’aube, dans ses instructions matinales.
— Monsieur, me disait une jeune fille en m’ouvrant la porte d’une grande salle basse où s’alignaient des chaises devant la tête de déesse agricole de la République modérée, c’était là que M. Pécaut faisait ses conférences du matin !…
Tout le détail de cette vie d’école, et la sélection à laquelle on soumet l’élève, et le degré auquel on pousse ses études, et l’exaltation qu’on lui avait d’abord inspirée, et le scrupule avec lequel on ne la jugea pas ensuite assez dosée, et l’espèce de prudence pratique qu’on met à contenir chez elle l’exubérance libre penseuse par les caïmans calvinistes, tout cela prouve, en résumé, la sollicitude spéciale, la prédilection particulière et l’amour jaloux dont le gouvernement entoure ses filles de Fontenay. Elles sont sa pépinière de vestales démocratiques, sa réserve de zélatrices et, comme on l’a dit, son « Port-Royal laïque ». Et quelle installation parfaite, gaiement choisie, et plus moderne qu’à Sèvres ! Quelle avenante et jolie école ! Glaire, sur le coteau, à l’entrée de la petite ville, près du chemin de fer qui siffle, et toute rafraîchie par l’odeur des bosquets ! C’est peut-être bien Port-Royal, mais on n’y voit pas les Arnauld.
Que devient plus tard, cependant, elle aussi, comme éducatrice et comme femme, l’élève de Fontenay-aux-Roses ? Nous n’aurons pas à la chercher, comme on le pense, dans la cohue des institutrices déclassées, et elle sort, d’ailleurs, de la maison avec le rang de professeur. Mais l’Etat récolte-t-il avec elle tout ce qu’il sème, ou ce qu’il croit semer ? Retrouve-t-il l’effort qu’il a