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cabinet d’Athènes avant d’être soumises à la Porte. S’il a renoncé à cette procédure, c’est sans doute parce qu’on a pu lui fournir l’assurance que la Grèce, en demandant la médiation des puissances dans les termes que l’on connaît, avait donné par cela même son adhésion préalable à tout ce que celles-ci décideraient. Mais il faut avouer que le langage de M. Ralli est de nature à inspirer quelques doutes à ce sujet. Dès que le danger a paru passé, M. Ralli ne s’est pas montré dans ses paroles, et surtout dans ses confidences à la presse, beaucoup plus sage que M. Delyannis qui, comme on le sait, ne l’était pas du tout. Il a déclaré très haut que la Grèce ne ferait aucune cession de territoire et qu’elle n’accepterait de payer aucune indemnité de guerre, ni grande ni petite. Dans les conditions où elles se sont produites, les paroles de M. Ralli n’ont aucune valeur officielle : s’il en était autrement, il faudrait lui en demander compte. En vérité, le gouvernement hellénique aura accumulé jusqu’à la fin toutes les fautes, et il faut que la Grèce dispose d’une réserve de sympathies bien considérable pour ne l’avoir pas encore épuisée. Elle a tort, toutefois, d’en user avec cette persistante désinvolture, et un peu plus d’attention portée à ce qui s’est passé, à ce qui s’est dit, à ce qui s’est écrit en Europe depuis quelques mois, aurait pu la convaincre que ce jeu est dangereux.

Le langage de M. Ralli a de plus l’inconvénient d’entretenir dans les esprits une excitation qu’il conviendrait, au contraire, de calmer. Un gouvernement prudent et avisé s’appliquerait aujourd’hui, à Athènes, à préparer les imaginations, qui y sont si vives, si inflammables et, au surplus, si enflammées, à accepter les sacrifices inévitables. Loin de là, M. Ralli se montre de plus en plus exigeant, intransigeant dans ses paroles, comme s’il voulait, toujours à l’exemple de son prédécesseur, ménager sa propre popularité au détriment de toutes les autres, sans en excepter celle du roi. Mais peut-on employer encore le mot de popularité en parlant de ce malheureux prince et de sa famille ? Non, évidemment. De cette popularité, qui était si bruyante au début de la guerre, mais en réalité si artificielle et si trompeuse, il ne reste rien aujourd’hui. Les correspondances d’Athènes présentent-la situation de la dynastie sous un jour très sombre. Et cependant, après tant de fautes qui ont été commises solidairement par la Grèce et par son roi, quelle faute plus grande resterait-il à commettre par la première, que de renverser le second ? Si M. Ralli le comprenait, tiendrait-il le langage qu’il tient ? Et s’il ne le comprend pas, c’est qu’il ferme volontairement les yeux à l’évidence du danger. On n’a pas besoin d’une grande perspicacité pour prévoir que, d’ici à quelques jours, à quelques