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travaillait à faire enregistrer ces lettres au parlement, ce qui dura quelque temps, la compagnie acheva de se constituer. Elle se fit un règlement qui est à peu près celui d’aujourd’hui, et se compléta. On avait décidé du premier coup qu’on serait quarante ; les douze membres de la petite société avaient donc à se donner vingt-huit confrères. Ces choix, comme on le pense bien, ne se firent pas en un jour, ni même en un an. En réalité, le chiffre définitif ne fut atteint qu’en 1639, par la nomination de Priezac.

Les choses se passèrent d’abord d’une manière très confuse. Au début, on ne votait pas au scrutin ; chacun proposait un nom, d’ordinaire celui d’un parent, d’un ami. Et les autres approuvaient. Ce qui montre bien qu’on avait égard surtout à des relations personnelles plus qu’au mérite réel, c’est qu’on ne s’avisa de nommer deux des plus grands écrivains de l’époque, Balzac et Voiture, qu’après en avoir pris beaucoup d’autres. Assurément il se trouvait, parmi les élus, des gens de lettres, Maynard, Saint-Amand, Colletet ; mais il y en avait d’autres aussi, et en grand nombre. Comme on allait vite et un peu au hasard, il était naturel qu’on fût tout d’abord attiré vers les noms qui faisaient alors le plus de bruit dans le monde. Les auteurs de pamphlets et de factums politiques tenaient dans la société de ce temps la place qu’occupent aujourd’hui les journalistes. Le cardinal ne poursuivait pas seulement ses ennemis avec ses armées ; il leur faisait une guerre de plume qu’il poussait aussi énergiquement que l’autre. Aux attaques qui venaient de Bruxelles il opposait des réponses qui partaient de Paris, et ces combats n’excitaient pas moins que les batailles véritables la curiosité du public. On ne se contentait pas toujours d’employer des armes légères ; il arrivait souvent qu’on échangeait de gros livres, hérissés d’histoire ou de jurisprudence, qui ne parvenaient pas pourtant à lasser la patience de nos pères. Mais dans les volumes, comme dans les brochures, les polémiques sont vivement menées. Les nécessités de la lutte donnent au style de ces écrivains des qualités qui manquent souvent aux autres ; la phrase y est moins traînante, le trait plus piquant, le tour plus dégagé. Assurément le pamphlet politique a été, au début de ce siècle, une excellente école pour notre langue. Par malheur l’intérêt de ces sortes d’ouvrages ne survit guère aux circonstances qui les ont fait naître ; on ne lit pas plus un pamphlet de l’autre année qu’un article de journal de la veille. Qui se souvient du Ministre d’État de Silhonou des Discours