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Les liqueurs fines, cognacs, et autres, continuent à être librement fabriquées, mais ne peuvent être vendues que dans la bouteille fiscale, cédée par l’État aux producteurs, vide, pour la somme de 4 francs, c’est-à-dire le même prix que pleine.

Le monopole maintiendrait uniquement l’exercice de la fabrique, au sortir de laquelle l’alcool ne pourrait prendre que quatre directions :

1° L’usine de rectification de l’État qui l’aurait acheté, auquel cas aucune fraude n’est possible, la régie présidant elle-même au transport.

2° L’exportation : l’alcool franchit la frontière en tonneaux plombés. Il n’y a lieu à aucun drawback, puisqu’aucune taxe n’a été payée.

3° Le magasin d’un fabricant de liqueurs ou d’un marchand en gros. Le fabricant est exercé comme le distillateur. La régie a plombé le tonneau au départ et le vérifie à l’arrivée.

4° La consommation chez le particulier ou le débitant : à l’arrivée chez le négociant entreposeur qui doit fournir le particulier et le débitant, l’État impose la bouteille fiscale d’un litre au maximum, qui représente la quittance de l’impôt.

Les bouilleurs de cru resteraient libres chez eux : mais dès que l’alcool franchirait leur porte, ils rentreraient dans le droit commun. Il ne circulerait de tonneaux d’alcool que ceux que la régie aurait plombés et qui seraient revêtus de marques extérieures très visibles, qui les feraient reconnaître immédiatement par tout le monde. La circulation de tonneaux frauduleux deviendrait donc impossible et n’aurait même pas de but, puisque les cabaretiers ne pourraient avoir en cave que des bouteilles d’un litre.

La surveillance des cabaretiers est un point très délicat. L’employé de la régie leur demandera 4 francs par bouteille, moins la remise de 20 p. 100, pour toutes celles qu’ils ne représenteraient pas. On en connaît le nombre, puisque le négociant entreposeur a déclaré ce qu’il a expédié à chacun. La fraude de celui qui aurait dissimulé des bouteilles vides et les remplirait d’alcool non acheté à la régie se découvrirait aussi par l’analyse de cet alcool.

On essaie de nous démontrer ensuite comment le monopole produirait un milliard au lieu de 250 millions que l’alcool donne aujourd’hui. La consommation actuelle taxée par la Régie dépasse un million et demi d’hectolitres d’alcool absolu. Or, à 4 francs le litre à 40 degrés, cela fait 10 francs le litre pur, soit un milliard et demi de francs brut, dont il faut déduire le prix d’achat et de manipulation de l’alcool et les remises à faire aux débitants. Achat 40 francs, rectification 6 francs, mise en bouteilles 54 francs, total 100 francs, soit pour quinze cent mille hectolitres, 150 millions de francs. En évaluant à 300 millions les remises de toute nature, on est également très large ; il faudrait aussi tenir compte du fait que l’État vendra des bouteilles vides aux fabricans de liqueurs supérieures. Il n’y aurait donc que 450 millions au maximum à déduire des 1 500, d’où un produit net de plus d’un milliard.

Quant aux liqueurs et eaux-de-vie, le monopole serait pour cette industrie l’origine d’un accroissement de prospérité par les garanties toutes nouvelles qu’il lui donnerait. Il exigerait une analyse à la fabrique de toutes ces boissons pour constater qu’elles ne sont pas toxiques. L’État n’en