Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/913

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

opposée. Les compagnies judiciaires, qui étaient assurément, à la fin du XVIIIe siècle, trop imbues de l’esprit de corps, trop vivantes, remuantes, adonnées à l’intrigue et à la politique, manquent peut-être aujourd’hui, au contraire, de cohésion et d’unité, tendent trop à devenir des groupemens fortuits et passagers. Il n’y a donc pas lieu d’être hostile aux mesures qui pourraient rendre à ces compagnies un peu d’initiative et de vie collective.

Nous trouvons d’ailleurs dans notre législation actuelle un excellent exemple de désignation des magistrats par leurs pairs. Comment sont recrutés les membres du premier des tribunaux de France, de celui qui a été créé en vue de fournir aux justiciables les garanties d’une impartialité suprême : du Tribunal des conflits ? Les conseillers d’Etat et les conseillers à la Cour de cassation qui composent cette juridiction sont élus par leurs collègues, et ils élisent eux-mêmes au scrutin secret leur vice-président. Ces choix si importans laissés aux compagnies, loin de donner lieu à des réclamations, assurent de façon supérieure le fonctionnement d’une juridiction respectée. Voilà un précédent qui peut encourager à laisser aux Cours d’appel l’élection des présidens d’assises. D’ailleurs, en 1810, la vraie raison qui a fait rejeter ce mode de désignation était l’effroi qu’inspirait l’idée d’une magistrature indépendante, et ce serait la véritable raison d’y recourir aujourd’hui.

Mais il ne suffit pas que notre président d’assises soit, comme le voulait Daunou[1], « indépendant des ministres », il faut aussi qu’il soit un criminaliste d’expérience et de valeur indiscutable. Comment arriver à ce but ?


VI

Pour que le mode de nomination du président d’assises garantisse sa capacité, il faut que ce juge soit choisi parmi les magistrats les plus profondément versés dans l’étude et dans la pratique du droit pénal.

La science du droit criminel, qui deviendra de plus en plus complexe et dépendante de plusieurs sciences voisines, est dès maintenant assez vaste pour exiger de ceux qui en doivent faire les applications les plus difficiles une longue et studieuse [2]

  1. Dans son Essai sur les garanties individuelles.
  2. Voyez la Revue du 15 mars 1896, p. 421 et suiv.