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donne peut-être plus de force encore, parce qu’il est impossible d’y découvrir la moindre apparence d’artifice, ou même de rhétorique et de mise en scène. Il est difficile de faire davantage avec des moyens plus dénués de prétention.

M. Brisson, lui, n’est pas ennemi de la rhétorique, ni de la mise en scène. Nous parlions, il y a quinze jours, du discours assurément très intempestif que, dès le premier jour de la session, il a prononcé à propos de la récente cérémonie de Notre-Dame et du Père Ollivier. Il a eu d’ailleurs un très grand succès parlementaire : comment le contester, puisque la Chambre a ordonné que son allocution serait affichée dans toutes les communes de France ? Et ce succès, il l’a dû sans doute à un assez grand nombre de membres du centre que le sermon du Père Ollivier avait indisposés et qui ne se sont pas montrés difficiles sur la manière et sur l’occasion d’en exprimer leur sentiment ; mais il l’a dû, avant tout, aux radicaux et aux socialistes. Rien n’a égalé l’enthousiasme de ces derniers. Leurs applaudissemens roulaient comme le tonnerre, et c’est de leurs bancs qu’est partie la proposition d’affichage. Et les radicaux semblaient dire, en montrant l’accord passager qui s’était établi entre eux et les socialistes, d’une part, et une partie du centre, de l’autre : Voilà enfin la vraie majorité ; combien solide ! combien inébranlable ! Il n’y a qu’à s’appuyer sur elle. Tant pis pour les modérés qui n’en sont pas ! Tant mieux si la droite en est exclue ! M. Brisson a été pendant quelques jours le président de cœur de M. Isambert et de M. Jaurès. Que les temps sont changés ! Nous ne rappelons pas cet incident, sur lequel nous avons déjà dit tout ce que nous avions à en dire, pour le simple plaisir d’en parler de nouveau, mais pour montrer combien le genre d’ovations où s’est complu M. Brisson est peu durable.

C’est éclatant, mais fragile. Si on a eu un moment l’idée de faire une majorité avec cela, on a pu bientôt constater combien cette matière première était inconsistante et friable. M. Brisson est devenu à son tour un objet de réprobation pour l’extrême gauche ! Pendant plusieurs jours, il n’y a pas d’injures, d’outrages, et, hâtons-nous de le dire, de calomnies, que les socialistes n’aient déversés sur lui. Le mot de « vieux coquin » est un de ceux qu’on lui a le plus complaisamment appliqués : il a déjà servi à d’autres, mais il était à peu près neuf pour M. Brisson. De quoi s’agissait-il ? A propos d’une interpellation sur la grève de la Grand’Combe, interpellation qui se développait au milieu d’un silence relatif, est né un de ces incidens que rien ne fait prévoir, et qui éclatent dans l’atmosphère du Palais-Bourbon comme un coup