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pénible qui a suivi : refus de M. Gérault-Richard de quitter son banc, interruption de la séance évacuation de la salle et des tribunes, recours à la force armée, etc. Tout cela est devenu la procédure banale de ce genre d’opérations : heureusement l’emploi en est très rare. Mais que serait-il arrivé si la droite n’avait pas voté la censure proposée par M. Brisson ? Tous les journaux socialistes l’ont dit le lendemain : le président était battu, il était obligé de se retirer. La droite, ont-ils déclaré, a manqué de coup d’œil. Elle avait là une occasion admirable de se venger du discours sur la Providence, ou contre la Providence prononcé à l’ouverture de la session. Que ne l’a-t-elle saisie ? Pendant plusieurs jours, les socialistes et les radicaux en ont exprimé le vif regret. En unissant deux vengeances, on aurait pu renverser M. Brisson. Les députés modérés auraient pu, eux aussi, profiter de la circonstance pour faire élire un candidat à eux, provisoirement moins odieux à l’extrême gauche que ne l’était devenu le président actuel. Singulier retour des choses d’ici-bas ! Il y a trois semaines, la gauche applaudissait M. Brisson contre la droite silencieuse et indignée ; quelques jours après la même gauche reprochait au gouvernement de s’appuyer sur la droite ; encore quelques jours de plus, et les socialistes, qui ont toujours regretté de n’avoir pas les voix de la droite pour renverser le cabinet, les sollicitaient pour renverser M. Brisson. O logique ! O bonne foi des partis !

Les affaires d’Orient n’ont pas fourni, depuis quelques jours, une matière abondante à la chronique, et c’est même chose singulière après tant d’agitations et d’émotions, que de voir l’espèce d’arrêt qu’elles subissent en ce moment. Il semblait, il y a peu de jours encore, qu’un dénouement quelconque, mais prochain, était inévitable, et tout le monde paraissait le poursuivre avec ardeur. À ce premier état des esprits en a succédé un autre, qui est fait d’attente résignée et de patience. Peut-être durera-t-il longtemps. M. Hanotaux, dans son dernier discours à la Chambre, prévoyait, non seulement des difficultés, mais des lenteurs. Les difficultés existent sans doute, bien qu’on n’en parle guère : quant aux lenteurs, tout le monde peut les constater.

La Porte avait fait des propositions de paix évidemment inacceptables. On lui a opposé des objections. On attendait, on annonçait sa réponse à ces objections, et, au lieu de faire cette réponse, la Porte s’est mise à parler de l’armistice et de la nécessité de lui donner une forme tout à fait régulière : alors seulement, on reprendrait la conver-