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politesse, son style reste ferme, précis, et il dit nettement ce qu’il veut dire. Il sait, du reste, que l’Infante a, dans son dévouement, dans son zèle à la servir, une confiance qui ne se démentira jamais et qui est à l’honneur de tous deux. Aussi son autorité ira toujours croissant; elle lui vaudra la jalousie des diplomates de carrière qui, n’acceptant pas sans quelque dépit l’immixtion de cet intrus dans des affaires dont ils entendent seuls avoir le maniement, essaieront de l’évincer et chercheront tout au moins l’occasion de l’humilier.

Mais, sans parler de la supériorité de son intelligence, Rubens a sur eux un avantage marqué qu’il tient de son art lui-même. C’est son talent, en effet, qui lui a procuré l’accès de la cour et qui, rien que dans le débat des sujets qu’il devait traiter, lui a déjà fourni l’occasion de s’éclairer sur l’état des partis entre lesquels cette cour est divisée. En faisant le portrait de Marie de Médicis, il pénétrera plus sûrement encore dans son intimité. Pendant les heures de pose qui lui seront accordées, il va pouvoir, à loisir, l’interroger et avec son tact naturel, sans éveiller aucun ombrage, donner à la conversation le tour qui lui plaira. Un de ces portraits qu’il peignit alors était resté en possession de l’artiste, peut-être pour qu’il en retouchât le fond à peine ébauché, ou pour qu’il l’utilisât dans les tableaux de la galerie d’Henri IV. En tout cas, il figure à l’inventaire dressé après la mort de Rubens, et il fut alors acquis pour le compte du roi d’Espagne. Vêtue d’une robe noire et vue presque de face, la Reine est assise dans un fauteuil noir. Ses cheveux blonds, grisonnans, sont tirés sur son front et encadrent délicieusement son visage dont ils font ressortir les carnations fraîches et vermeilles. On ne croirait jamais que Marie de Médicis a dépassé la cinquantaine. La simplicité de la pose, le regard fin et bienveillant, l’air de sérénité, de douceur, et je ne sais quelle majesté empreinte sur la physionomie, donnent un charme exquis à cette image qui, placée aujourd’hui dans le salon d’honneur du Prado, soutient victorieusement le redoutable voisinage des chefs- d’œuvre de Titien, de Velazquez et de Van Dyck.

Au milieu des soins nombreux et du travail énorme auquel il doit suffire, l’artiste conserve toujours ce calme et cette possession de soi-même, qui lui permettent de donner à des œuvres cependant bien diverses le caractère que chacune d’elles doit avoir. Autant le portrait de Marie de Médicis est souple, délicat dans ses