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UNE FRANÇAISE AU LADAK

Par les brumeux jours d’hiver j’aime à me remémorer les dix >mois de mon inoubliable voyage à travers les Indes sous les féeriques colorations tropicales. De Ceylan à Darjeeling et cet incomparable Himalaya, tout là-haut dans le ciel, à cette place où nous n’avons jamais cherché que les étoiles, jusqu’aux temples du Sud — Madura, Chillambaram et tant d’autres, — ces temples du passé, vivans encore, remplis de leur foule drapée ou nue, c’est un éblouissement de couleur et de lumière. Goa, le Nizam, les grands Rajpoutes et leurs blancs palais se mirant dans les lacs bleus, peuplés de milliers de serviteurs, les villes et les fleuves sacrés, les bûchers de Bénarès, le Tadj d’Agra, la passe du Kheiber sur la route de Kaboul, tous les peuples, toutes les religions, les mœurs et les coutumes défilant sous mes yeux dans ce merveilleux ensoleillement, quelle vision ! C’est un plaisir de repasser en son esprit les détails de ce voyage enivrant. Je voudrais ici en raconter une partie, celle qu’on regarderait volontiers comme la plus difficile et qui est assez aisée, on le verra, mais singulièrement pittoresque et instructive. J’étais à Srinagar, la capitale du Kachmir, avec la pensée de m’en retourner par les Pamirs et le Tïurkestan, quand le Foreign Office m’ayant définitivement interdit la route de Guilguit et du « Toit du Monde », je me décidai à aller visiter Leh, la capitale du Ladak, le Thibet anglais. Quelques jours après, ma caravane était prête et nous partions. C’est seulement cette excursion au Ladak que je veux raconter.