cent quatre-vingt logos, et, y compris « les frères dormans », vingt-cinq mille initiés, tel serait l’effectif de la franc-maçonnerie aux Philippines.
Parmi ces initiés figurent un très grand nombre d’indigènes, et notamment les plus riches, les plus influons, quoique, dans les derniers temps, cet élément indien relativement cultivé ait été débordé par les couches inférieures, d’où sont sortis les chefs de l’insurrection, les Aguinaldo, les LIanera, les Andrès Bonifacio[1]. L’attraction des loges est si puissante, qu’il n’est pour ainsi dire pas un étudiant né aux Philippines et venu en Europe prendre ses diplômes qui ne s’inscrive sur les tables du rite portugais ou écossais aussi tôt, plus tôt même que sur les registres de l’Université : mais le résultat de cet empressement des naturels à embrasser la franc-maçonnerie, ses pompes et ses œuvres, n’a guère été celui que les fondateurs ou les introducteurs en attendaient : peut-être a-t-il été tout l’opposé.
L’histoire en est assez obscure. Il semble bien pourtant que les origines du mouvement maçonnique dans l’archipel soient à peu près celles-ci : aux environs de 1860, il était d’usage en Extrême-Orient de faire, dans la population européenne des Philippines, deux catégories : d’une part, les Juifs et de l’autre, les Chrétiens : par les Chrétiens on entendait seulement les Espagnols, tout étranger était un Juif. Or un grand nombre de ces « Juifs » malgré eux étaient francs-maçons et fraternisaient dans les loges de Singapore, Hong-Kong, Java, Macao, et des ports ouverts de la Chine. C’était le temps où les pirates mahométans de Mindanao et de Jold recommençaient ou multipliaient leurs incursions : l’Angleterre prenait vis-à-vis de l’Espagne une attitude presque hostile ; les Hollandais se montraient méfians et irrités à cause des tentatives faites par les Espagnols pour s’établir sur la côte nord de Bornéo ; les Français n’avaient pas encore oublié l’affaire de l’île de Basilan ; les Américains n’étaient guère mieux traités ni guère mieux disposés. Il était donc permis de croire que des loges communes où ils s’associaient ils faisaient un foyer de commun ressentiment et de commune conspiration contre l’Espagne.
Deux officiers de marine, illustres dans les annales militaires espagnoles, Malcampo et Mendez Nuñez[2], résolurent d’opposer