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développement agricole ; il n’a pu mettre encore en culture ou eu pâturage que la dixième partie de son territoire ; 90 pour 100 restent en réserve… Quel avenir nous attend quand on sait qu’il en est de même dans la plus grande partie des trois Amériques, en Australie, dans les régions fertiles de l’Afrique, en Sibérie, en Chine ; et quand on constate les puissans moyens d’action employés par nos concurrens, les sacrifices qu’ils consentent pour sillonner les continens de chemins de fer et de canaux, l’ingéniosité qu’ils apportent à tourner les difficultés, à tirer toute l’utilité possible de leurs transports. Dire qu’ils produisent à peu près tout ce que nous produisons, ce n’est pas assez ; il ne faut pas non plus se borner à enregistrer le chiffre déjà menaçant de leurs exportations ; il faut calculer avec quelle vitesse ils nous envahissent, voir le Canada par exemple élever ses envois de moutons en Angleterre du chiffre insignifiant de 9500 à celui de 217 000 en moins de vingt ans, et on en doit conclure que les premiers pas de nos rivaux sont des pas de géans. Cherchons-nous du moins à comprendre la cause de tels progrès ? Non, nous nous contentons d’en souffrir. Quels exemples pourtant s’offrent à nous ! Tandis qu’on laisse encore nos campagnes baratter le beurre à la vieille manière du bon vieux temps et qu’on se borne à donner dans les grands centres des indications qui, malgré les efforts insuffisamment soutenus de nos instituteurs primaires, ne pénètrent guère dans les campagnes, le gouvernement canadien a organisé de toutes pièces des fermes expérimentales, des stations agronomiques, des cours d’horticulture, de chimie agricole où des expériences pratiques et des recherches scientifiques se poursuivent simultanément. Cet enseignement supérieur chez nous n’a pas été négligé depuis quelques années, et on admire les beaux travaux de nos savans dont il s’inspire, mais il échappe trop aux principaux intéressés ; il forme des fonctionnaires plus qu’il n’instruit les cultivateurs. Le gouvernement canadien, pour éviter ce danger, ne s’est pas contenté de fonder des beurreries et des fromageries modèles, il a tout de suite adopté ce qu’il y avait de mieux en Europe ; son point de départ a été, non pas nous qui sommes très arriérés, mais nos rivaux les plus avancés ; le Danemark par exemple, dont les beurres pasteurisés se vendent couramment à Paris, aux halles, depuis 3 francs jusqu’à 4 fr. 60 le kilog. à la place de nos beurres moyens qui n’atteignent pas toujours 2 francs, parce qu’on ne nous apprend pas à les faire.