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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/665

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LES UNIVERSITÉS D’ÉCOSSE.

Cette vogue gagna la noblesse et la cour. On était fier de compter parmi ses ancêtres un Écossais, et ceux qui n’en trouvaient pas parmi leurs aïeux se forgeaient une généalogie avec les données les plus invraisemblables. C’est ainsi que Sully prétendait faire dériver son nom patronymique de Béthune de celui du clan des Beaton et il prit la chose très au sérieux, comme le prouve l’anecdote suivante. Le cardinal Beaton (de Glasgow), qui tenait de Henri II des bénéfices considérables en France, avait été dénoncé à Henri IV comme ayant participée la Ligue et était menacé de les perdre ; mais l’homme d’État protestant prit sa défense avec chaleur et répondit à ses détracteurs : « Ne touchez pas à Béthune, c’est mon cousin ! » On pourrait multiplier les exemples de cette sympathie qui unissait les Français et les Écossais. Je n’en citerai plus qu’un, qui a été rappelé avec beaucoup d’à-propos par Jules Simon au meeting de la Sorbonne. Quand Royer Collard, sous la Restauration, reprit avec tant d’éclat l’enseignement de la philosophie à la Faculté des lettres de Paris, ce furent les maîtres de l’école Écossaise : les Thomas Reid, les Dugald-Stewart, les Adam Smith qu’il prit pour modèles. Jouffroy fut également leur disciple. Et lorsque Victor Cousin, sous le gouvernement de Juillet, devint le grand maître de l’Université, ce fut encore la doctrine des Écossais qu’il mit à la base de la philosophie enseignée dans les lycées, comme offrant le plus de rapports avec les exigences de l’esprit français.

À cela rien d’étonnant, car il ne manque pas de traits de ressemblance entre les deux peuples, issus l’un et l’autre de la race celtique. Tous deux ont dans l’esprit de la logique, un grand besoin de clarté et dans le caractère quelque chose de franc, de hardi et de chevaleresque, qui leur fait prendre le parti des opprimés et des victimes de la tyrannie contre leurs oppresseurs. C’est ainsi qu’au temps où la France était écrasée par l’Angleterre victorieuse, les Écossais formèrent une compagnie de volontaires qui escorta Jeanne d’Arc dans ses campagnes[1]. De même, malgré l’annexion de l’Écosse au Royaume-ilni de Grande-Bretagne, la belle et malheureuse Marie Stuart est demeurée l’héroïne populaire, et son portrait se trouve exposé aux vitrines d’une foule de magasins de la Princess street à Edimbourg. Cette affinité de l’Écosse pour la

  1. La devise, dans les armes de la ville d’Aberdeen, est française : Bon accord, et vient, parait-il, d’un mot de passe qui fut donné en 1308 aux bourgeois, lors d’une prise d’armes contre l’Angleterre.