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factieux, et on les soupçonne de se vouloir découper un proconsulat. Si, par exception, ils essaient de ménager le peuple, de faire respecter la religion, d’arrêter le pillage, de contenir les agens déprédateurs, ils deviennent à Paris suspects de « modérantisme », de faiblesse, sinon de cabales avec l’ennemi. Et parallèlement aux accusations et diatribes des généraux et des agens : tyrannie, friponnerie, exactions, concussions, complots ! c’est une lamentation continue, et bientôt une fureur des peuples, victimes désespérées du fisc et de la conquête.


IV

La République cisalpine ne s’était constituée, avec ses deux conseils et son Directoire, que pour aussitôt résister aux exigences des Français. Far da se, et vivre pour eux-mêmes, était leur prétention : les Français avaient achevé leur tâche en chassant les Autrichiens. Le Directoire y mit ordre. Il dicta aux Cisalpins un traité comme Rome en dictait à ses alliés. « J’ai bridé les Cisalpins avec des chaînes de fer, disait Talleyrand ; ils ne pourront pas concevoir une idée ambitieuse sans la permission du Directoire. »

La République cisalpine devait entretenir une armée de 25 000 Français, et, pour cet entretien, payer 18 millions par an ; entretenir une armée de 22 000 Cisalpins sous les ordres des généraux français ; soutenir la France de toutes ses forces, à première réquisition ; souscrire mille actions à l’emprunt de guerre qui se faisait à Paris ; proscrire les marchandises anglaises ; conclure un traité de commerce avec la France ; ne faire ni paix ni guerre sans l’agrément de la France. Ce traité fut signé à Paris le 22 février 1798. Il s’agissait de le faire ratifier par le gouvernement de Milan. Berthier, qui y commandait en chef, eut pour instruction d’y disposer les esprits en prenant des otages aux lieux où le peuple se montrait mal disposé, puis de faire, en termes précis, et par argumens militaires, entendre raison aux ministres et aux députés. Le traité n’en fut pas moins repoussé par les conseils, le 14 mars. Sur quoi, le Directoire cisalpin, s’inspirant des exemples de la maison mère, « épura » les conseils d’un certain nombre de récalcitrans, parmi lesquels plusieurs Vénitiens. Berthier, alors en expédition, écrivit que la République française avait les moyens de se faire respecter, et le