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témoignage, des modèles de péroraison et d’exorde, de sonores lieux communs qui paraient son discours et lui communiquaient une ampleur facile qu’il eût vainement, parfois, cherchée dans son propre fonds. Il s’en souvenait plus tard dans ses harangues réelles, et ne se faisait pas scrupule de recourir à ces morceaux d’école pour agir sur de vrais auditoires. Ces développemens tout faits étaient, il est vrai, plus spécialement à l’usage des plaideurs, qui, jetés dans des débats où la fortune, l’honneur, la vie même étaient en jeu, avaient besoin de ressources particulièrement puissantes pour convaincre ou pour attendrir. Mais les politiques y avaient recours, eux aussi, comme le prouvent ces exordes qui nous sont parvenus sous le nom de Démosthène, et qui conviennent tous à des discours prononcés devant le peuple.

Ceux que tentait la vie publique pouvaient choisir entre divers enseignemens. Le plus réputé de beaucoup était celui d’Isocrate, ce rhéteur abondant, ce savant constructeur de périodes, à qui il faut pardonner les raffinemens méticuleux et quelque peu vains de son art pour la passion avec laquelle il prêcha toute sa vie une utopie généreuse : l’étroite union de la politique et de la morale. On venait de l’étranger, et quelquefois de bien loin, suivre ses leçons, mais c’est d’Athènes qu’étaient la plupart de ses élèves, et « de son école, dit Cicéron, comme des flancs du cheval de Troie, sortit toute une armée d’orateurs. » Ceux qui préféraient ne paraître à la tribune qu’après s’être exercés dans le genre judiciaire, apprenaient de maîtres comme Isée le métier de logographe, c’est-à-dire de juriste à la disposition des plaideurs inexpérimentés, pour lesquels il fallait écrire des discours qu’ils pussent débiter eux-mêmes devant les juges et qui fissent triompher leur cause. Cette profession, très lucrative, attirait naturellement les jeunes gens dont la fortune était médiocre ; en même temps, la connaissance qu’elle donnait des lois et la souplesse à laquelle elle accoutumait les esprits, constituaient la meilleure des préparations aux luttes de l’assemblée. Beaucoup d’hommes d’Etat entraient par là dans la carrière et, même aux affaires, ne renonçaient point à une pratique à laquelle ils devaient en partie leur richesse et ce qu’il y avait peut-être de plus solide dans leur talent. On sollicitait, enfin, les conseils de certains orateurs, surtout des plus grands. Nous savons que Démosthène avait des élèves, qu’il se faisait fort d’armer pour toutes les batailles de la politique. Quelques-uns, par leur