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d’État. « Le jour étant fixé (30 août), rapporte La Revellière, les salles des deux conseils furent gardées par les troupes françaises. On n’y admit que les membres qui avaient des lettres signées de Trouvé et de Brune. A midi, l’ambassadeur — Trouvé — adresse au Corps législatif la constitution avec ses lois organiques... » Le nombre des députés était réduit, les associations étaient interdites, les journaux supprimés et le gouvernement épuré. Cela fait, tout alla comme auparavant, c’est-à-dire de mal en pis. Le Prussien Sandoz, après une conversation avec le ministre d’Espagne à Paris, qui suivait de très près ces affaires, espérant recueillir pour ses princes quelques lambeaux d’Italie, écrit que cet Espagnol croit la guerre inévitable. « J’ai été, dit-il, témoin en Italie des exactions répétées des Français et du vœu secret et général des peuples de retourner plutôt à l’empereur que de rester dans une dépendance aussi humiliante. J’ai entendu un Directeur cisalpin me dire en confidence : Si la guerre recommence, la République cisalpine croule et nous favoriserons sa chute, bien loin d’y mettre opposition. »

A Rome, il en va de même. Gouvion Saint-Cyr est parvenu à rétablir la discipline dans l’armée, mais il est impuissant à rétablir quelque mesure dans l’administration. Il est appelé au Rhin et remplacé par Macdonald. Ce général, par politique et par intérêt, ménage les commissaires civils. Il s’ensuit que les spoliations redoublent et d’autant plus que le meilleur de ces commissaires, Daunou, est nommé au conseil des Cinq-Cents. Dans la République romaine, tribuns et consuls sont en conflit permanent, se reprochant les uns aux autres les concussions, l’humiliation de Rome. Les commissaires du Directoire révoquent les consuls, et Rome est mise, en septembre, au régime de correction que Milan subit depuis août.

La réquisition des œuvres d’art, des manuscrits, des livres précieux avait repris dans le grand. L’effet en fut désastreux. Le menu peuple s’en indignait, par un instinct confus de grandeur historique, parce qu’il y voyait la mise en scène du pillage qui le condamnait au désespoir. Le parti de la France en souffrait davantage, blessé dans son honneur, rebuté dans sa confiance. C’était la déplorable contradiction de la politique directoriale, d’en appeler au patriotisme des peuples conquis, d’invoquer leurs traditions d’indépendance, la gloire de leur passé et de blesser aussitôt ces sentimens à l’endroit le plus douloureux.