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de l’Olympe mêles aux écrivains allemands. A peu près en même temps, naissent les trois prologues, dont l’évident dessein est d’expliquer et d’amplifier le sens de l’œuvre ; et Faust revient au premier plan, dans les scènes où doit éclater la supériorité de son génie. De plus, l’idée centrale de la pièce apparaît enfin dans le pacte ; car jusqu’alors on ne pouvait la soupçonner un peu que dans la scène : Un bois et une grotte. D’autres morceaux tendent à réduire les caractères essentiellement personnels de l’œuvre, à lui enlever son cachet intime pour en faire ce que Schiller, plus encore que Gœthe, voulait qu’elle fût : une représentation générale de la vie, un microcosme, le signe cabalistique de l’univers. Telles sont entre autres les scènes : Devant la porte de la ville, qui mêlent le penseur solitaire au fourmillement humain ; l’hymne de Pâques, qui fait intervenir la pensée et la légende chrétiennes dans le drame intellectuel ; la scène du barbet et du sommeil de Faust, qui contribuent à remettre à son rang le véritable héros ; le pacte dont nous avons déjà marqué la portée ; la nuit de Walpurgis, obscure et encombrante. Toutes ces scènes trahissent la préoccupation de Gœthe, qu’il n’avait certainement pas lorsqu’il entreprit son œuvre, d’y « concrétiser » ou d’y « figurer » des idées abstraites, dépendantes de l’idée centrale. C’est ainsi que la question du salut de Faust se pose au moment du pacte pour rester en suspens à travers cette dramatique scène du cachot, que termine l’appel désespéré : Henri ! Henri ! dénouement incomplet dont toute l’esquisse se trouve déjà dans le’manuscrit Gœchhausen. C’est ainsi que le « panthéisme », dont Gœthe aimait à faire profession, se répand dans les invocations lyriques de son protagoniste ou dans ses duos avec Méphistophélès. C’est ainsi encore que ses opinions, ses jugemens, ses rancunes viennent s’incarner en des symboles dont je réussis bien à saisir le sens, mais non la valeur poétique, et qu’aucun lien naturel ne rattache d’ailleurs au poème.

Si l’on compare les scènes écrites de 1771 à 1797 (c’est-à-dire, en somme, la « tragédie de Marguerite ») à celles qui furent ajoutées de 1797 à 1801, l’on reconnaîtra que celles-ci grandissent le personnage de Faust, mais qu’elles détruisent l’unité de l’œuvre. Elles cherchent à en préciser le sens, et le laissent en suspens : car, lorsqu’une « voix d’en haut » nous a appris que Marguerite est sauvée, quand nous avons vu Faust disparaître avec Méphistophélès qui l’entraîne, nous ne savons si le pacte a