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défense Hondo et surtout Yeso à un débarquement des Russes. Les conseils belliqueux et les encouragemens clandestins ne manquèrent pas aux Japonais. On sait qu’il existe une puissance occidentale dont la politique louche, mais toujours heureuse, consiste à semer la discorde et la guerre, à envenimer les querelles et à prolonger les conflits pour neutraliser ses rivaux les uns par les autres et grandir elle-même sur les ruines de tous. L’Angleterre, dans la question sino-japonaise, n’a pas failli à sa mission séculaire ; elle avait d’abord pris ouvertement parti pour la Chine ; mais quand elle vit surgir une occasion nouvelle de brouiller les cartes et de combattre l’influence russe, elle abandonna brusquement sa protégée et passa du côté japonais ; du jour au lendemain, diplomates, consuls, marins, journalistes, simples négocians obéirent au même mot d’ordre et soufflèrent au Japon la résistance. L’Angleterre avait à la guerre un intérêt évident : comme l’a dit un diplomate anglais, ce n’était pas uniquement pour protéger ses nationaux qu’elle avait réuni en Extrême-Orient une si belle escadre de croiseurs, mais pour surveiller les mouvemens des flottes russe et française. La tentative avortée sur les îles Chusan (novembre 1894) est là pour indiquer quel genre de services l’Angleterre attendait des forces qu’elle avait confiées à l’amiral Fremantle. Mais cette fois le gouvernement britannique en fut pour sa peine et ses volte-faces ; la diplomatie des autres puissances européennes déjoua ses combinaisons ; et le Japon, édifié par les événemens mêmes de cette guerre sur la duplicité et les visées égoïstes de l’Angleterre, refusa de faire le jeu de son ennemie de la veille et céda aux pressantes instances de la Russie, de la France et de l’Allemagne.

Ni le tsar, ni ses conseillers ne désiraient la guerre : ils résistaient aux entraînemens des amiraux Tyrtoff et Makaroff et répugnaient à une lutte ouverte contre le Japon. Faire la guerre, c’eût été laisser le champ libre aux agissemens des Anglais, leur donner une occasion de regagner tout le terrain perdu par les fautes de leur diplomatie. On le comprit en Russie et l’on s’efforça de dénouer sans coups de canon une situation grosse de complications.

A l’exemple de la Russie, l’Allemagne intervint en Extrême-Orient. Le gouvernement de Guillaume II entretenait cependant avec celui du Mikado les meilleurs rapports[1] ; mais, à son

  1. Les instructeurs de l’armée japonaise étaient presque tous allemands ; les Japonais en inféraient qu’ils pouvaient compter sur l’amitié de l’Allemagne ; l’événement les déçut et les mécontenta d’autant plus.