Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Le prix du blé, pendant la même période, est loin de présenter la courbe à peu près régulièrement descendante qui caractérise le mouvement du métal blanc depuis vingt-cinq ans. La moyenne à Paris des cours du quintal métrique, qui était de 32 francs en 1874, s’est abaissée à 25 francs entre 1875 et 1890. Le prix a ensuite touché 30 francs en 1891, année de mauvaise récolte, pour retomber depuis lors graduellement jusqu’à 18 francs, en 1896. Cette dernière dépréciation était d’autant plus extraordinaire qu’à cette époque le droit de douane de 7 francs par quintal était en vigueur, alors qu’antérieurement il n’avait été que de cinquante, puis soixante centimes, 3 et 5 francs : par conséquent le cours de 18 francs, l’année dernière, représentait pour le blé étranger importé un prix d’achat de 9 ou 10 francs, puisque, pour se vendre 18 francs à Paris, il devait acquitter au préalable les frais de transport et la taxe douanière de 7 francs. Il est vrai que les récoltes de 1895 et 1896 ont été excellentes en France : elles ont atteint chacune près de 95 millions de quintaux, c’est-à-dire 120 millions d’hectolitres, et ont suffi à alimenter la consommation indigène : l’importation de céréales a donc été à peu près nulle en ces deux années, et les partisans des droits protecteurs peuvent prétendre que l’abondance même de cette production n’a pas été due exclusivement aux conditions météorologiques favorables, mais aussi à ce fait que la surface emblavée a augmenté.

En 1897, la récolte est médiocre et un déficit certain. Le prix du quintal s’est élevé en août à 30 francs pour la marchandise disponible, tout en restant inférieur d’un ou de deux francs pour la marchandise à livrer, ce qui, soit dit en passant, prouve que les spéculateurs travaillent dans l’intérêt du consommateur, en amenant de tous les points du globe les céréales dont il a besoin. Ils promettent même de les lui fournir à quelques mois d’échéance à un prix inférieur à celui du moment présent. Comme toujours, lorsque le prix d’une marchandise est bas, les stocks en avaient diminué[1]. La logique devrait conduire

  1. Une cause, spéciale au blé, de la diminution du stock en France a été la loi qui ne permet pas de le conserver plus de deux mois en entrepôt franc, c’est-à-dire sans acquitter les droits de douane.