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influencer le roi d’Espagne, il avait de son mieux arrangé les choses pour l’incliner vers la solution qu’il préférait. La Junte, consultée à ce propos par le roi, fut d’avis que « la venue de Rubens serait plutôt avantageuse que nuisible. » Tout en adoptant cet avis, Philippe IV, sans doute pour ne pas avoir l’air d’attribuer plus d’importance qu’il ne convenait à un personnage de si médiocre condition, ajoutait de sa propre main à la notification de la Junte « qu’il ne fallait en aucune manière peser sur Rubens en cette occasion et que c’était à lui de prendre tel parti qu’il croirait le plus conforme à ses intérêts. »

Laissé libre d’agir à sa guise, et bien qu’il se rendît compte des dispositions peu favorables du roi à son égard, Rubens n’avait pas hésité. Outre l’idée de continuer à jouer son rôle dans les négociations pendantes, le soin de ses propres intérêts le poussait à se rapprocher du souverain dispensateur des honneurs et des commandes. Confiant dans son étoile, il espérait bien modifier par sa présence les sentimens de Philippe IV et gagner ses bonnes grâces. Il devait d’ailleurs emporter avec lui huit tableaux destinés au roi, qu’il avait exécutés sur l’ordre de l’Infante Isabelle et il était de plus chargé de peindre pour celle-ci les portraits des différens membres de la famille royale, notamment ceux du roi et de la reine, qu’elle n’avait jamais vus. Le 13 août 1628, la princesse annonçait à son neveu le prochain départ de l’artiste qui lui remettrait tous les papiers concernant les pourparlers engagés avec l’Angleterre, mais lui donnerait toutes les explications qu’on jugerait utiles. Suivant les instructions qu’il avait reçues, le voyage de Rubens s’était effectué en secret, avec toute la rapidité possible. Ainsi qu’il l’écrivait plus tard à Peiresc[1], il n’avait même pas, à son grand regret, pu voir à son passage à Paris aucun de ses amis, pas plus que les ministres des Flandres et d’Espagne en France. Il faisait cependant sur son chemin un petit détour et poussait jusqu’à la Rochelle afin de se rendre compte des opérations du siège de cette ville, « ce qui lui avait paru un spectacle vraiment admirable, et il se réjouissait avec la France et toute la chrétienté du succès d’une si glorieuse entreprise. »

Arrivé à Madrid le 10 septembre, Rubens s’était aussitôt abouché avec Olivarès et ses fréquentes entrevues avec le

  1. De Madrid, 2 décembre 1628.