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toujours, sans faire aucune place aux conventions, sans céder à cette mode des allégories dont la vogue était alors générale. Si, comme Rubens, il a une prédilection marquée pour les œuvres des Vénitiens, c’est qu’à côté de leurs ouvrages, ainsi qu’il le disait de Tintoret, « les autres ne semblent que peinture, tandis que ceux-là sont vérité. » Son admiration, en tout cas, n’ira jamais jusqu’à les imiter.

Un point, cependant, reste hors de doute, c’est que ses entretiens avec Rubens avaient encore avivé chez Velazquez le projet depuis longtemps caressé de parcourir l’Italie. Rubens lui-même, du reste, nourrissait aussi l’espoir, en retournant en Flandre, de revoir cette Italie qu’il aimait tant et où il comptait de si précieuses relations. L’Infante l’y avait autorisé, et en se détournant un peu de sa route, il avait l’intention de visiter, à Aix, son cher Peiresc, qui se réjouissait fort de le recevoir dans sa maison, un vrai musée dans lequel « il avait réuni toutes les merveilles du monde. » Avec quel plaisir il aurait retrouvé là ces bonnes et franches conversations sur les études si variées qui leur tenaient au cœur, sur l’archéologie notamment, car, ainsi qu’il le disait à son ami[1], « empêché peut-être par l’excès de ses occupations, il n’avait pu jusque-là rencontrer en Espagne aucun antiquaire, ni voir aucune médaille ou pierre gravée quelconque ! » « Il allait cependant se renseigner avec grand soin à cet égard et il l’aviserait du résultat de ses recherches, mais en craignant bien que ce ne fût là un soin inutile. » Peu de temps après (29 décembre 1628), aux approches du renouvellement de l’année, à ce moment que, d’ordinaire, il passait à Anvers avec ses fils et ses proches, sentant plus vivement encore la nostalgie de son foyer, il écrivait à Gevaert une lettre touchante où, dans les termes les plus affectueux, il exhalait tous ses regrets d’être ainsi éloigné de lui et des siens. Gevaert était pour lui un ami sûr, depuis longtemps éprouvé, et un peu avant de le quitter, voulant lui laisser un gage de son vieil attachement, il avait fait de lui le beau portrait qui est aujourd’hui au musée d’Anvers, une tête fine, distinguée, au large front, aux traits élégans. La plume à la main, le secrétaire de la ville d’Anvers est assis devant sa table de travail sur laquelle est posé le buste de Marc-Aurèle. Gevaert s’occupait, en effet, à cette époque d’un commentaire des écrits laissés par l’empereur-philosophe, et

  1. Lettre à Peiresc, de Madrid, 2 décembre 1628.